Michael Griener & Jan Roder + Guests
Be Our Guest
Jan Roder (b), Michael Griener (dm)
Label / Distribution : Trouble in The East
Comment s’habille-t-on à une orgie ? Il y a un dress-code, ou convient-il de venir comme on est, et de simplement se jeter sur tous les plats ? C’est à peu près la seule question qui vaille face à Be Our Guest, le disque proposé par le contrebassiste Jan Roder et le batteur Michael Griener pour fêter leur 30 ans de complicité. 30 ans, le temps est long, mais on ne l’a pas vu passer : voici longtemps que nous écrivons que Roder et Griener, en bons rois de Berlin, sont l’une des meilleures paires rythmiques d’Europe. De Céline Voccia à Taiko Saitō, les collaborations de la doublette se comptent par dizaines ; pour ce double album, Roder et Griener les ont rassemblés comme un long éphéméride : ils sont venus, ils sont (presque) tous là, et elle est bien vivante la musique… De Uwe Oberg à Aki Takase en passant par Ken Vandermark, c’est même une revue animée de unes de Citizen Jazz passées ou à venir. Un grand buffet à volonté où « Unser Hamburg, das it schön », enregistré en trio en 2001 avec le guitariste Alexander Dannullis, fait office de tardive mais turbulente découverte.
Be Our Guest n’est pas une compilation. Le matériel proposé par le label Trouble in The East et la sélection de Jan Roder et Michael Griener est presque totalement neuf, se partageant entre des concerts échevelés et du travail de studio jalousement conservé au fil des années. C’est ainsi qu’on découvre un début de travail d’Aki Takase sur Lennie Tristano dans un « Tautology » puissant et joyeux, où la pianiste joue avec une voracité rare au milieu du jeu puissant de Silke Eberhard. Ce concert berlinois de 2001 annonce une amitié durable à travers les ans, comme cette belle aventure de l’Enttäuschung avec les complices Axel Dörner et Rudi Mahall, devenu un formidable Die Große Enttäuschung le temps de quelques concerts. Ce tentet à double rythmique, capté à Berlin en 2020 est clairement un des temps forts de ce double-album qui révèle plus que jamais les influences des deux compères, de Lacy à Dolphy assaisonnés à la musique improvisée européenne.
On retrouvera Rudi Mahall un peu partout ici, et c’est objectivement la troisième pièce du puzzle, dont une dimension a encore été ajoutée ces dernières semaines. On s’arrêtera pour une dernière tournée, le Monk’s Casino (« Let’s Cool One/Let’s Call This ») sous la férule d’Alexander von Schlippenbach. On ne sait où donner des oreilles dans ce florilège parfait qui donne avant tout envie de réécouter tout entière la discographie de ces géants ; une épiphanie conçue comme un calendrier de l’avent : une révolution…