Chronique

Mihály Borbély Quartet

Miracles of The Night

Mihály Borbély (as, anches), Aron Tálas (p), Balázs Horváth (b), Hunor G. Szabó (dms)

Label / Distribution : BMC Records

Stabilisé depuis maintenant plusieurs années, le quartet de Mihály Borbély donne régulièrement de ses nouvelles ; on l’avait laissé en 2020 avec le très beau Grenadilla, qui était comme une célébration de la clarinette, joyeuse mais laissant passer quelques bouffées mélancoliques. Ici, dans ce nouvel album toujours chez BMC, à peine retrouve-t-on avec bonheur le drumming si coloré de Hunor G Szabó, on sait que cette langueur a pris le pouvoir, et que tout l’album va être consacré à la douceur du spleen ; ce qui n’empêche pas, dans « Hivó Távolok » de convoquer une certaine énergie : avec le batteur et son complice contrebassiste Balász Hórváth, le quartet a objectivement l’une des plus belles bases rythmiques d’Europe. Il ne faut pas longtemps pour allumer la mèche.

Mais cette énergie est contenue ; elle sert, comme lorsque le piano de Aaron Tálas s’échappe sur « Nehárom álom », à mettre en lumière une musique d’une grande fluidité. L’écriture de Borbély, qui offre de la place à la composition collective d’un quartet solide, parvient toujours à rester universelle, même lorsque Borbély abandonne son soprano pour le tárogató, la flûte pastorale d’Europe centrale, ou lorsque sur « Lidérc », il passe au dvojnice, autre flûte pastorale monténégrine. C’est souvent Szabó qui balise ces instants qui ne tombent jamais dans le folklore. Il suffit, plus loin, d’écouter « Hajnali Fohász » pour s’en assurer, le dialogue avec le piano allant chercher du côté de Liszt, dont les nocturnes font partie des lueurs qui teintent le crépuscule de ces Miracles of The Night.

Dans l’univers de Borbély, très marqué par la musique écrite occidentale, ces miracles de la nuit ont quelque chose de très balisé, et pourtant de très ouvert. Dans « A fény már hiv, kelteget », qui clôt l’album, il y a une énergie, une chaleur qui fait penser à une aube d’été, à un soleil qui brûle déjà. Tout cet album très poétique est une lente déambulation dans tous les états de la nuit, jusque dans ses manifestations mythiques et ses ombres qui prennent vie (« Arnyak Ebredések ») avec cette intervention d’une autre flûte pastorale pendant que Talás va chercher des fantômes dans le corps de son piano. Comme toujours avec Borbély, qui excelle à la clarinette basse (« Ez is Furcsa », sans doute le meilleur morceau de l’album), on voyage dans un univers poétique dont il habille son disque, à la fois virtuose et tout en simplicité. Une grande voix du jazz européen.