Tribune

Mike Ratledge (1943-2025)

Disparition d’un des membres fondateurs du groupe Soft Machine.


Mike Ratledge, né le 6 mai 1943 à Maidstone dans le Kent, en Angleterre, vient de nous quitter à l’âge de 81 ans. Les plus anciens d’entre nous n’ont pas oublié ce personnage énigmatique, presque impénétrable – petites lunettes aux verres fumés, moustache drue et cigarette aux lèvres – qui se tenait impassible et quasi immobile, derrière ses claviers dont il tirait un son unique, en particulier celui de son orgue Lowrey. D’abord formé au piano et à la clarinette, Mike Ratledge avait obtenu un diplôme en psychologie et en philosophie de l’University College d’Oxford. Et c’est à la Simon Langton Grammar School for Boys à Canterbury qu’il avait rencontré ses futurs partenaires de jeu tels Brian Hopper, Hugh Hopper ou Robert Wyatt. Mike Ratledge laisse un héritage musical important, ayant influencé de nombreux musiciens par son approche innovante de la fusion jazz-rock et de la musique progressive.

« Mike était l’épine dorsale de Soft Machine dans les premières années et un homme à l’esprit absolument incisif - un merveilleux compositeur et claviériste ». Ainsi parlait John Etheridge, guitariste de l’actuelle mouture de Soft Machine, en annonçant le décès de son ami.

Mike Ratledge, musicien emblématique de la scène jazz britannique, avait fondé le groupe Soft Machine en 1966 avec David Aellen, Kevin Ayers et Robert Wyatt. Une formation fer de lance du mouvement musical qu’on allait vite nommer l’École de Canterbury, caractérisé par une fusion de rock, de jazz et de musiques expérimentales et dont les autres groupes importants furent Caravan, Gong ou Hatfield and the North. Le groupe a connu de nombreux changements de personnel au fil des ans, Ratledge restant le dernier membre fondateur jusqu’à son départ en 1976. Progressivement, Soft Machine avait évolué de la musique psychédélique des deux premiers albums à la fusion jazz-rock sous l’influence de Ratledge (une direction qui entraînera le départ de Robert Wyatt dont on connaît le parcours ultérieur et en particulier l’album Rock Bottom en 1974) et ensuite de Karl Jenkins. Le sommet discographique du groupe est sans nul doute Third (1970) : un double album en quartet (Ratledge, Wyatt, Elton Dean et Hugh Hopper) augmenté pour l’occasion de quelques invités ; quatre compositions (une par face du 33 tours) désormais entrées dans la légende. Car si ce disque abrite l’un des chefs d’œuvre de Robert Wyatt, « Moon In June », il est également celui où Ratledge a composé ce qui s’apparente sans doute à un véritable manifeste de ce mouvement musical évoqué plus haut, l’École de Canterbury, « Slightly All The Time ». Soit une succession de courts mouvements s’enchaînant naturellement durant 18 minutes, comme par miracle, et qui vont devenir une source d’inspiration pour bien des formations à venir. Mike Ratledge et ses camarades avaient réussi le pari d’emmener le jazz fusion et le bebop vers les rivages du rock progressif et donner au groupe une force inégalée, dont le pouvoir d’attraction reste préservé, aujourd’hui encore, aux yeux (et aux oreilles) de très nombreux fans.

Après l’aventure Soft Machine, Mike Ratledge avait travaillé comme compositeur et producteur musical pour des publicités et pour le théâtre. Il avait également co-produit l’album Songs Of Sanctuary avec Karl Jenkins en 1995. Ratledge a continué à composer et à produire jusqu’aux années 2000. Il est décédé le 5 février 2025, après une courte maladie.