Chronique

Nicolas Stephan

Paar Linien

Nicolas Stephan (ts, as, voc), Basile Naudet (as, g), Louis Frères (b), Augustin Bette (dms)

Label / Distribution : Discobole Records

La dernière fois que nous avions eu des nouvelles de Nicolas Stéphan en dehors de ses magnifiques tribulations au sein du Surnatural Orchestra, le saxophoniste nous proposait Unklar, ainsi qu’un roman mis en son, De la Violence dans les détails. Des détails, la musique de Stéphan est en toujours généreusement dotée ; depuis les aventures du Bruit du [Sign], on sait tout de son goût pour la polyrythmie, la polytonalité et plus globalement de la polysémie de son propos, qui trouve dans son nouvel album Paar Linien une nouvelle déclinaison, à l’image de « Lignes #2 », long morceau fondateur où l’on retrouve la basse de Louis Frères, sèche comme un silex chauffé au soleil. Le jeune Belge est un phénomène qui fait de plus en plus parler de lui, notamment depuis qu’il a rejoint le valeureux Rêve d’Éléphant Orchestra. Il est, dans le présent disque, le dynamiteur d’un quartet tout droit tourné vers des couleurs très rock qui font largement penser au label Carton. Notamment lorsque Stéphan chante sur « Grand Marguerite ».

Conçu avec Basile Naudet, son comparse du Surnatural qui joue ici aussi bien de l’alto que de la guitare électrique, Paar Linien veut dire « quelques lignes » en allemand. Des lignes de basse, des saxophones qui s’entrelacent… Les lignes de Stéphan ont tout de réminiscences. Sur « lignes 4 », son saxophone s’enferre dans une phrase qui agit comme une idée fixe pendant que tout tourne autour, de la guitare bardée d’effets à la batterie conquérante d’Augustin Bette [1]. Le quartet est très ramassé et cohérent, et joue une musique à la fois rugueuse et très ouverte, servie par une paire rythmique impeccable qui sait également se saisir et se régaler des cycles instaurés par le saxophone pour les transformer en matière (« Acts of Violence »).

Tout comme la belle photo de Julie Blackmon qui illustre la pochette, il ne faut pas penser un seul instant que tout est au cordeau dans Paar Linien. Il y a toujours un grain de sable, une explosion fugace qui vient remettre en question toute la mécanique. Certes, les lignes sont tirées, mais ce sont des lignes de fuite, de grandes ouvertures qui rendent la musique de Nicolas Stéphan nerveuse et chaleureuse, avec toute l’immédiateté dont est capable un orchestre soucieux des détails. Une grande réussite.

par Franpi Barriaux // Publié le 20 juin 2021
P.-S. :

[1Augustin Bette qui partage avec Naudet un autre orchestre, le pugnace Where is Mr R ?, où l’on retrouve également Luca Ventimiglia.