Chronique

Nils Wogram Root 70 with Strings

Riomar

Nils Wogram (tb), Hayden Chisholm (as), Matt Penman (b), Gerdur Gunnarsdottir (vln), Gareth Lubbe (avl), Adrian brendel (cello), Jochen Rueckert (dms)

Label / Distribution : Nwog Records

Mais où est passé Nils Wogram ? C’est la question qui se pose quand les premières notes d’un trio à cordes emplissent « Lisboa », en ouverture de Riomar, premier album avec son quartet Root 70 depuis Listen To Your Woman (2010), qui mêlait au blues originel son goût pour les sophistications microtonales. Depuis 2001 et un remarqué Odd and Awkward en sextet, avec notamment Cuong Vu et Chris Speed, ce tromboniste allemand n’est pas seulement considéré comme un des spécialistes européens de l’instrument, reconnu notamment pour son jeu de sourdine et la puissance de son timbre. Il est aussi célébré pour la finesse de son écriture, encore plus sensible ici ou en duo avec Simon Nabatov. Oui, où est-il, dans cette entrée en matière chambriste ? Autour de ce trio classique où l’on remarque avant tout la violoniste Gerdur Gunnarsdóttir [1], le batteur Jochen Rueckert, plus coloriste que jamais, invente un luxe de détails. Il accompagne, dans « Mental Isolation », une abstraction inspirée par la seconde école de Vienne tout en l’amalgamant à la pulsation marquée du brillant contrebassiste Matt Penman.

A cette interrogation, une seule réponse, simple et directe : Nils Wogram est aux commandes de ce Root 70 « With Strings », et se fond avec élégance dans l’orchestre dont il ordonne chacun des timbres. Ainsi, dans le très caressant « Seeing The New In The Old » (bonne définition de son angle de vision), son trombone et le violoncelle d’Adrian Brendel jouent à un jeu de masques auquel se joint le saxophone alto du fidèle Hayden Chisholm. Tout au long de l’album, celui-ci un rôle mélodique prépondérant qui permet à la musique très écrite de Wogram d’évoluer et de se mouvoir en liberté entre les cordes classiques et une esthétique bop assez ouverte (« Don’t Believe »). La contrebasse y pose avec intelligence un pied dans le quartet et l’autre dans le quatuor.

Que les amateurs du tromboniste se rassurent cependant : à tout moment il peut s’échapper de la masse orchestrale pour se lancer dans des solos clairs et tranchants, constamment soucieux de la dynamique d’ensemble. Riomar expose une musique pleine de sérénité et de fluidité dont « Vacation Without Internet » est certainement la meilleure illustration - celle d’une discussion franche et libre entre amis, parfois futile, mais tellement agréable, et à laquelle on est ravi d’être convié.

par Franpi Barriaux // Publié le 28 octobre 2013

[1A laquelle on doit notamment un duo avec le clarinettiste Claudio Puntin (Ylir, ECM).