Chronique

Nout

Nout

Delphine Joussein (fl, fx), Rafaëlle Rinaudo (hp, elec, fx), Blanche Lafuente (dms)

Label / Distribution : Gigantonium

Dans un portrait récent de Nout paru dans ces pages, la flûtiste Delphine Joussein explique que parmi ses influences, multiples et tangentielles, on trouve Ian Anderson, leader charismatique de Jethro Tull. A l’écoute de « The Last Train », le premier morceau du court EP de Nout, on ne peut qu’acquiescer : Growl fulminant, attaque de flûte chargée d’électricité, feulements qui relancent le groove alentour, il y a de nombreux points communs. Mais ça s’arrête là ; ou plutôt ça continue sous plein de formes et d’autres tropiques, jamais tristes, sur la batterie acharnée et violente de Blanche Lafuente, nouvelle venue des derniers lauréats de Jazz Migration Three Days of Forest, et sur la harpe électrisée voire atomique de Rafaëlle Rinaudo. Le temps s’emballe, le trio aussi, et le rock progressif en pantalon de cuir est vite balayé par une vague punkisante hérissée à carreaux écossais. Inutile de chercher plus loin d’autres inspirations : elles changent sans cesse et se carambolent, s’amalgament dans cette sauce qui se veut courte. Voire essentielle.

Pas étonnant que le groupe ait tapé dans le cœur du jury de Jazz Migrations. Même dans le plus doux « Les Boulettes », alors que la harpe de Rinaudo revient à des climats plus familiers pour son instrument. Ou plutôt pour l’image erronée qu’on en a… Il ne faut d’ailleurs pas longtemps pour que ses comparses la ramènent avec force dans l’énergie folle qui constitue Nout. Le souffle de Delphine Joussein, perclus d’effets, est une lame de fond qui convoque d’autres souvenirs, d’autres climats, dans la tension alentour ; on croit entendre quelques soupçons d’Abbey Road entre autres déchaînements. Tout s’articule avec précision et fluidité et fait imperceptiblement gigoter l’auditeur, voire lui donne l’envie de pogoter avec « Innondation » [1] pendant que Blanche Lafuente bûcheronne. Quelle puissance !

On est loin du concerto K299 de Mozart. Comme nous le disait Delphine Joussein, figure du label Gigantonium qui publie logiquement ce disque, « Ce n’était pas du Debussy qu’on allait jouer ensemble » : le climat est plus sombre, moins évanescent, et correspond parfaitement à ce qu’on attendait de la rencontre de ces musiciennes : un vrai renouveau et une renaissance du Power Trio dans une forme revisitée, lui qui s’essoufflait depuis quelques années. Un orchestre qu’il nous tarde de découvrir sur scène, naturellement.

par Franpi Barriaux // Publié le 14 novembre 2021
P.-S. :

[1Note à ma correctrice préférée et aux lecteurs, oui, il y a deux N, voyez ça avec Nout.