Chronique

One Shot

À James

Emmanuel Borghi (kb), Bruno Ruder (kb), Philippe Bussonnet (elb), Daniel Jeand’heur (dms) + Jim Grandcamp (g).

Label / Distribution : Le Triton

Formé à la fin des années 90 à l’initiative de trois musiciens appartenant alors au groupe Magma, One Shot est un quartet dont la musique, électrique et volontiers ténébreuse, puise ses influences aussi bien à la source du Lifetime de Tony Williams que de King Crimson période Red, avec quelques incursions vers le jazz-rock de Soft Machine au temps d’Allan Holdsworth et de Bundles. Emmanuel Borghi (claviers), James Mac Gaw (guitare), Philippe Bussonnet (basse) ont associé leurs forces à celles de Daniel Jeand’heur (batterie), laissant dans leur sillage quatre albums entre 1999 et 2008 (One Shot, Vendredi 13, Ewaz Wader et Dark Shot). Avant que quelques soubresauts dans l’histoire de Magma ne conduisent le pianiste à s’en éloigner, pour être remplacé par… celui qui était devenu son remplaçant chez Vander, Bruno Ruder. Un Live In Tokyo paru en 2011 témoigne du travail de cette seconde mouture [1].

L’histoire du groupe aurait pu prendre fin avec la disparition de James Mac Gaw, vaincu par la maladie en 2021 après des années d’une lutte inégale. Mais selon l’adage qui veut qu’à quelque chose malheur est bon, cette bien triste nouvelle a favorisé les retrouvailles de tous les musiciens impliqués dans l’histoire de One Shot et c’est une formation à deux claviers, sans guitariste [2], qu’on a pu retrouver au mois d’octobre dernier à l’occasion d’un concert hommage donné au Triton, sous l’impulsion déterminante du patron des lieux, Jean-Pierre Vivante. À James, dont la sortie officielle est annoncée pour le 24 juin, déroule cinq longues compositions qu’on connaissait déjà et constitue, au-delà de son intention première, une parfaite mise au point. Il est à la fois un bilan et une promesse. Toute la force du groupe est là, intacte. L’absence de guitare est ici compensée par le double travail rythmique et mélodique des claviers (Fender Rhodes et synthétiseurs) propulsés par un moteur basse / batterie dont la puissance est toujours aussi remarquable. Il faut dire aussi que vingt-cinq années consécutives passées aux côtés de Christian Vander ont contribué à faire de Philippe Bussonnet un bassiste parmi les plus captivants qui soient, et ce n’est pas Médéric Collignon qui dira le contraire, lui qui le côtoie au sein d’un autre quartet ébouriffant, Wax’in. Nous sommes ici quelque part entre rock, jazz et jazz-rock, ce qui finalement n’a guère d’importance. C’est d’abord une belle machine, aux formes rondes et généreuses, qui tourne à nouveau à plein régime. En compagnie de ces quatre pilotes chevronnés, on prend la route et on voyage, dominant des paysages majestueux en clair-obscur, comme aux premiers jours. Dans un « temps hors du temps », avec une pensée émue pour celui qui, là où il se trouve, ne doit pas manquer d’arborer un grand sourire de contentement. C’est un très beau cadeau que lui ont fait ses petits camarades !

Il faut savoir pour finir que ce One Shot-là ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Un récent concert, toujours dans la salle du Triton, a permis de découvrir de nouvelles compositions dont l’enregistrement est annoncé pour le mois de juillet. Voilà une excellente nouvelle. L’histoire continue…

par Denis Desassis // Publié le 17 avril 2022
P.-S. :

[1La discographie complète de One Shot a fait l’objet d’une réédition sous la forme d’un coffret Intégral en 2015, sur le label du Triton.

[2Même si le guitariste Jim Grandcamp est invité en fin de concert pour l’interprétation de « Ewaz Wader ».