Chronique

Op Der Schmelz

Op Der Schmelz Live

Roby Glod (as, ss), Roberta Piket (p), Mark Tokar (b), Klaus Kugel (dms)

Label / Distribution : Nemu Records

Le meilleur moyen de s’ôter de la tête tout cliché sur Luxembourg consiste à se pencher avec intérêt sur cet Op Der Schmelz Live emmené par le saxophoniste Roby Glod. Le citoyen du Grand-Duché est le comparse habituel du batteur allemand Klaus Kugel, que l’on a pu récemment apercevoir aux côtés de John Dikeman et aucun d’eux ne ressemble à un trader avide.

Avant d’être un quartet, Op Der Schmelz est le nom d’une salle de concert située à Dudelange, au cœur de l’Europe des hauts-fourneaux qui, depuis 2007, offre une programmation artistique ouverte sur le jazz le plus libre. Ce Live est la captation d’une farouche musique de l’instant pour un label allemand très intéressant, Nemu Records. Celui-ci publie également certains disques de l’Autrichien Theo Jörgensmann, avec qui Kugel collabore depuis des années.

Si l’on peut parler de quartet transatlantique grâce à la présence de la pianiste new-yorkaise Roberta Piket, sa familiarité avec des improvisateurs venus de l’Est comme le contrebassiste ukrainien Mark Tokar l’inscrit dans une esthétique très européenne. Bien sûr, les premières notes de « Nazar », où l’on retrouve des racines « lacyennes » dans l’alto de Roby Glod, offre un thème très sage ; mais la lente déconstruction rythmique du batteur, suivi par les tréfonds du piano, emmène le morceau vers d’ardus chemins de traverse. Il suffit de se plonger dans « Budmo, Hay ! » pour s’en convaincre. Là encore conduit par Kugel, qui guide un orchestre très collectif, le jeu lacyen de Glod transporte le quartet sur un terrain très vallonné, aux couleurs versatiles. Le propos, par une successions de duos mouvants, se laisse le temps de progresser, et si la relation immédiate entre le piano très lyrique de Piket et la basse acrimonieuse de Tokar est l’axe privilégié, l’entente entre le contrebassiste et le batteur refonde une base rythmique solide. Là où bon nombre de quartets auraient cherché le confrontation et le paroxysme, Op Der Schmelz joue une carte plus flegmatique pour détricoter l’écheveau collectif. Cela lui permet d’étirer les morceaux sans engendrer de lassitude.

C’est dans « Still Alive », en toute fin d’album, sous les coups de boutoir de Tokar (la belle surprise de cet album), que le propos s’échauffe. Le jeu plus heurté de Roby Glod écorche un thème emprunté à l’hymne national ukrainien. Op Der Schmelz Live est l’occasion de se plonger dans l’intimité de quatre grands improvisateurs, dont l’évidente cohésion est la meilleure des armes.