Chronique

Painkiller

50th Birthday Celebration (Volume 12)

John Zorn (as), Bill Laswell (b), Hamid Drake (dm), Mike Patton (voc)

Label / Distribution : Tzadik/Orkhêstra

En septembre 2003, le plus éclectique et prolifique musicien de sa génération fêtait son demi-siècle dans son antre new-yorkais du Tonic. John Zorn joue ainsi tous les soirs du mois, parcourant l’étendu de son champ d’expression musicale, du free klezmer de Masada au bruitisme métalleux de Painkiller.

Le présent album constitue donc le douzième (déjà !) volume de la série 50th Birthday Celebration (et au moins le 400è de sa discographie colossale, réputée s’accroître d’une unité tous les mois en moyenne…) et le sixième forfait du trio psychopathe (si l’on compte « Execution », récente rétrospective).

Hamid Drake remplace ici le matraqueur Mick Harris venu de Napalm Death et autres contrées du metal le plus dur. D’un certain point de vue, le brillant batteur de Chicago, partenaire de Pharoah Sanders et David S.Ware entre autres, apporte un peu plus de subtilité rythmique, par exemple sur le milieu du deuxième morceau (« 16:24 »). Mais sur les passages résolument violents (c’est-à-dire très rapides ou très bruyants - ou les deux à fois), la batterie semble un peu en deçà des impératifs esthético-stylistiques du genre : on en vient presque à regretter la lourde menace de la frappe de Harris, mais peut-être s’agit il juste d’une faiblesse de la prise de son.

Zorn reste fidèle à son style bien rodé : longs hurlements stridents faisant écho aux cris inhumains de Mike Patton ; raclements d’alto, sirènes de paquebot, phrases jazzy néo-bop sarcastiques ou hédonistes éclatent de manière imprévisible en une pyrotechnie toujours aussi spectaculaire mais déjà entendue.

Bill Laswell bricole un environnement sonore qui rappellera les grandes heures du groupe Praxis, mélange de grosses basses bien juteuses ou coulantes et de grigris suraigus parfois lassants.

Il sera peut-être difficile de prendre autant de plaisir que pendant le premier morceau « Your Inviolable Freedom », certes long de vingt minutes mais animé de relances perpétuelles. Il faut attendre cinq bonnes minutes dans « 16:24 » pour voir la fin d’une éruption électronique assez éprouvante et des envolées zorniennes dans le style klezmer. « Prophethood of Chaos » livre un dernier déferlement bruitiste d’inspiration un peu inégale : mention très honorable au feu-follet Patton, dont les cris inspirent terreur et angoisse.

Ce disque est à recommander à ceux qui n’ont jamais entendu Zorn ou aux métalleux qui n’ont jamais entendu de jazz ; comme première approche, la réaction sera immédiate. Pour les autres, on commencera peut-être à s’interroger sur la répétition du discours instrumental de John-la-colère depuis quelques années. Bon anniversaire quand même à ce musicien génial que l’on finit toujours par retrouver là où on ne l’attend pas…