Chronique

Pandelis Karayorgis Quintet

System of 5

Pandelis Karayorgis (p), Jeff Galindo (tb), Matt Langley (ss, ts), Jef Charland (b), Luther Gray (dms)

Label / Distribution : Hat Hut

Habitué des duos avec Matt Maneri ou Eric Pakula, le pianiste grec Pandelis Karayorgis, installé à Boston depuis le milieu des années 80, n’est pas très connu dans l’Hexagone, malgré une expérience de sideman pour Joe Maneri, Ken Vandermark ou encore Guillermo Gregorio. On perçoit dans la sobriété anguleuse de son jeu une forte influence de Tristano, mais surtout de Monk, notamment par le raffinement de la main gauche - il fait de lui un allié très sûr de la base rythmique qu’il choisit toujours prolixe et solide. C’est en trio, notamment en compagnie du contrebassiste Nate McBride, que Karayorgis évolue principalement. En témoigne un premier album pour Hat Hut en 2008, Betwixt, avec le batteur Curt Newton. Il y reprenait bon nombre de standards - notamment de Monk - au Fender Rhodes.

Avec System of 5, toujours chez Hat Hut, il revient à une formule en apparence plus classique, même si elle recèle des trouvailles et des chausses-trapes inscrites dans sa praxis. Comme le remarque Art Lange dans ses notes de pochette - comme toujours très riches pour le fameux label à tranche orange -, ce « Système » de musiciens bostoniens s’appuie sur de constants duos, autant de conversations qui construisent un propos commun au sein de l’orchestre pour former comme un tableau cubiste. Dans cette configuration, le flegmatique batteur Luther Gray et le remarquable contrebassiste Jef Charland occupent une place centrale, le pianiste agissant comme un boutefeu exerçant un contrôle constant (cf. le bien nommé « Two-ophony », par exemple).
« Seventh Wonder » et sa ligne de basse altérée évoquent le « Hat and Beard » de Dolphy, autre grand inspirateur de ce quintet. Pivot de l’album, le morceau se construit autour d’un premier dialogue entre le contrebassiste et le saxophoniste Matt Langley mais prend toute son ampleur dans un remarquable échange entre Karayorgis et le tromboniste Jeff Galindo (une découverte !), véritable source de l’énergie qui émane de ce System of 5.

Les deux soufflants jouent un rôle complémentaire, même si on peut trouver Langley plus en retrait que son comparse. Sur un morceau comme « Elastic », où Galindo est explosif, il trouve toujours une formule rythmique structurante avec le contrebassiste. Mais qu’on prête attention à la relation privilégiée entre pianiste et saxophoniste sur « Due East », entre autres, et on comprend vite que le second sait être d’une rare pugnacité lorsqu’il est porté par les accords abrasifs du premier. Le quintet, bien que très dirigé, utilise avec fougue la liberté que lui laisse intelligemment le leader. Car Karayorgis aime à mettre en valeur ses musiciens, et son System of 5 fonctionne décidément très bien.