Chronique

Papanosh

¡ Oh Yeah Ho !

Raphaël Quenehen (as, ts, bs), Quentin Ghomari (tp), Sébastien Pallis (cla), Thibault Cellier (b), Fidel Fourneyron (tb), Roy Nathanson (as, bs), Jérémie Piazza (dms)

Label / Distribution : Yellowbird

Les mois qui ont encadré la sortie du premier album de Papanosh, My Beautiful Mother, ont eu quelque chose d’euphorique. Le quintet du collectif des Vibrants Défricheurs, qui faisait parler de lui depuis plusieurs années, avait fini par éclore. La chrysalide se rompait : la sélection par Jazz Migration, le micro ouvert sur les radios nationales, les festivals qui se multipliaient… La dynamique était là. Il n’y a pas trente-six attitudes possibles, face à cette dynamique. Soit on la laisse retomber pour souffler un peu, soit on se refuse à lâcher la queue de la comète et on enchaîne. On le sait, c’est la seconde solution qui s’est imposée tout de suite. Sans trêve : le choix du répertoire de Mingus, d’abord, pour mieux affirmer un biotope de plus en plus Blues & Roots. L’accueil du tromboniste Fidel Fourneyron comparse de longue date Rouennais, puis la rencontre avec Roy Nathanson grâce au festival Banlieues Bleues ; Raphaël Quenehen et Thibault Cellier nous avaient raconté tout cela l’an passé.

¡ Oh Yeah Ho ! est donc la somme de cette aventure, et non son résumé - lequel ne rendrait pas compte de sa soudaineté. Il fallait un enregistrement en concert, seul capable d’illustrer la synergie de cette brève rencontre en septet. « Los Mariachis » en est l’exemple le plus patent. C’est une longue relecture du morceau de Mingus à l’image de son créateur : rogue et explosive, mais généreuse. Il ne faut que quelques mesures pour comprendre que l’univers de Mingus est le terrain de jeu idéal de Papanosh et de ses compagnons ; le trombone de Fourneyron chauffe d’un soleil digne de la Louisiane les vaguelettes free qui se répandent comme des rages incontinentes, soutenu en cela par la trompette éclatante de Quentin Ghomari. Ladite soudaineté, qui s’avère être d’une précision redoutable, est maintenue en tension par le drumming impeccable de Jérémie Piazza. Celui-ci trouve dans les claviers de Sébastien Palis un soutien rythmique inattendu. Le propos du septet déborde d’un enthousiasme communicatif mais ne s’emporte pas pour autant. La liesse reste solide, voire concentrée, lorsque la contrebasse de Cellier bifurque sur le groove rocailleux de « Better Git It In Your Soul ». Le morceau s’enfonce dans une forêt de soufflants où les growls sauvages ploient face à l’électricité de l’orgue Hammond B3 de Palis.

Sur ¡ Oh Yeah Ho ! c’est avec une véritable jubilation que Papanosh nous emmène dans les contrées imaginaires de Mingus. Car c’est bien dans ce sens-là que ça se passe, chacun des arrangements nous le rappelle, à commencer par « Peggy’s Blue Skylight/Cancion Mixteca » où l’élégance tumultueuse de l’alto de Nathanson s’esquive pour une bluette mexicaine qui rappelle le Paris,Texas de Wenders avant de repartir de plus belle. De même, sur « Gibril The Clown », l’orchestre allie le « Gibril Circus » de son premier disque et « The Clown » de Mingus. Le résultat est étonnant et extrêmement raffiné. Le spoken word de Roy Nathanson ajoute une touche de poésie à une visite qui n’a rien de nostalgique, ni de muséal. L’entente entre les deux saxophonistes est réjouissante, puissante, baignée d’un mélange de respect et d’insolence qui définit précisément les Vibrants Défricheurs, que le verbe et la poésie ont toujours transcendés (« Canon/Snow Day »).

On voudrait conclure en disant que ce disque est celui de la confirmation, mais c’est inutile. La place que se sont ménagée ces Rouennais dans le paysage musical a tout de l’affirmation. ¡ Oh Yeah Ho ! fait l’effet d’une bombe : Oh Lord, Please, Let Them Drop That Atomic Bomb on Us !