Chronique

Paul Jarret

EMMA

Paul Jarret (g), Hannah Tolf (voc), Éléonore Billy (nyckelharpa), Étienne Renard (cb)

Label / Distribution : Neuklang / Harmonia Mundi

On a parfois coutume de dire que la musique raconte des histoires. C’est peut-être vrai. En tout cas, EMMA de Paul Jarret fait partie de cette catégorie de disques. Le guitariste franco-suédois y narre en effet l’exode vers les États-Unis, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, de migrants suédois avec une focale plus appuyée encore sur son histoire familiale. Emma, son arrière-grand-mère, a fait partie de ces contingents d’exilés suédois qui ont pris le bateau pour le Nouveau Monde. Ils étaient 1,3 millions, soit - ainsi que le rappelle le livret - un cinquième de la population. En six morceaux, pour partie des revisites de traditionnels, pour partie des compositions originales, Paul Jarret raconte cet exil depuis les adieux et les espérances du départ – c’est le cas de « Sjutton år » qui ouvre le disque sur près de treize minutes -, l’Amérique fantasmée ou encore la traversée de l’Océan – ainsi « The Crossing », une revisite de « Visålde våra hemman », un traditionnel du XIXe siècle dont les vers « Ils venaient de la terre et retournaient à la terre. L’océan était pour eux seulement une voie qu’ils empruntaient, qu’ils devaient franchir pour retrouver la terre » glacent l’auditeur. Mais au-delà de ce seul morceau, c’est l’ensemble de l’album qui saisit. Car comment évoquer l’exil lorsque celui-ci est affligé de ses sinistres partenaires ? « La faim nous ronge ainsi que les larmes, la douleur et le chagrin » disent les paroles d’« Amerikavisan » avant d’ajouter la Mort à ce funeste compagnonnage.

Plus qu’un album, Paul Jarret livre ici un véritable récit musical. Ce n’est pas bien entendu un témoignage – même si plusieurs morceaux sont issus du répertoire traditionnel suédois autour de cette question – mais la narration poignante d’un exil mortifère mais ô combien évocateur.