Portrait

Peter Formanek est tombé dans la marmite, tout petit

Le jeune saxophoniste américain semble tenir de son père.


Peter et Michael Formanek © Jeff Dunn

Fils du très estimé contrebassiste Michael Formanek, le jeune saxophoniste Peter Formanek a toujours baigné dans la musique. Avant même d’être en âge scolaire, il improvise au piano avec son père. Il prend ses premières véritables leçons sur cet instrument à 5 ans, mais il préfère écouter et jouer plutôt que de se soumettre à la discipline requise. A l’école primaire, il hérite du violoncelle sans vraiment se rappeler pourquoi. Au collège, la guitare devient son instrument privilégié. Selon certains témoins, sa maîtrise de l’instrument est bluffante.

Mais au lycée, il décide de passer au saxophone qui est en fait l’instrument qui l’a toujours attiré et avec lequel il entretient la relation la plus viscérale. Il est initialement fasciné par John Coltrane et, dans une moindre mesure, Sonny Rollins. Bien sûr, il lui est impossible d’ignorer les collaborateurs de son père qui passent souvent à la maison : Tim Berne, Chris Speed, Tony Malaby ou Ellery Eskelin. Ses autres influences sont diverses et vont de Johnny Hodges à Henry Threadgill en passant par Illinois Jacquet.

Comme pourraient le confirmer les enfants de Coltrane ou d’Elvin Jones, être fils ou fille de musicien n’est pas toujours facile. « Mon père n’était pas aussi souvent à la maison que ceux des copains, explique Peter Formanek. J’ai vite compris que cela faisait partie de la vie. Mais il a su faire des compromis afin d’être aussi présent que possible. Au fil du temps nous avons pu établir des liens étroits. »

Michael Formanek n’est d’ailleurs pas insensible aux talents du fiston qui, encore lycéen, est intégré aux Four Cool Blue Maniacs aux côtés du trompettiste Dave Ballou et du batteur Mike Kuhl. L’expérience sera de relativement brève durée car, en 2013, Peter doit quitter Baltimore pour Ann Arbor et l’université du Michigan. Son emploi du temps et celui de son père, ainsi que la distance – ce dernier part entre-temps s’installer dans le New Jersey –, les empêchent de poursuivre toute collaboration.

Une fois diplômé, Peter est relancé par son père et l’idée d’un duo prend forme. À l’automne 2019, ils partent en tournée pendant trois semaines en préparation de l’album Dyads (Out of Your Head Records) qu’ils enregistrent en studio en décembre. « Comme dans toute relation père/fils, tout n’est pas toujours au beau fixe, mais une fois sur scène il faut savoir se concentrer sur la musique et oublier ses différends », explique Peter.

Musicalement, l’enregistrement se divise presque équitablement en improvisations pures et en compositions que les deux protagonistes ont écrites spécifiquement pour le duo. « Mon père souhaitait que cela soit une véritable collaboration et ne pas donner l’impression qu’il faisait ce projet par bonté, poursuit le saxophoniste. Mon challenge était qu’à l’époque j’étais beaucoup plus obnubilé par l’improvisation et le simple fait de jouer avec d’autres musiciens, reléguant la composition au second plan. » Le résultat, Dyads, est un album serein et plein de chaleur ou les idées sont soigneusement développées et explorées – nos deux musiciens ne dédaignant pas les lignes mélodiques.

L’arrêt des activités résultant de la pandémie a encouragé Peter à poursuivre ses études à Kalamazoo, à la Western Michigan University. « Dès que la COVID sera derrière nous, j’espère pouvoir commencer à travailler sur un deuxième album, dit-il. Certes, une étape a été franchie, mais on ne peut pas en rester là après des années et des années de relations sur un plan à la fois musical et personnel. Ce que je peux déjà dire, c’est que cela aura une tonalité différente car je pense que nous incorporerons tous les deux l’électronique. »