Tribune

Philippe Ochem, du Rhin au Danube.

Philippe Ochem, le directeur de Jazzdor, fait un bilan de rentrée.


Le programme complet du Festival Jazzdor Strasbourg (6-20 novembre 2020) vient d’être publié. La programmation de cette année a nécessité de nombreuses modifications, car les règles et les considérations pratiques ont changé. Le programme du festival se déroule dans une quinzaine de lieux différents. Le directeur du festival, Philippe Ochem, qui est également président de l’AJC (Association Jazzé Croisé), le principal organisme regroupant et représentant les organisations (festivals, salles, théâtres, centres culturels et clubs) impliquées dans la diffusion du jazz en France, s’est entretenu avec London Jazz News et Citizen Jazz.

Philippe Ochem © Abdesslam Mirdass

« Évidemment c’est compliqué, mais en même temps on a appris la souplesse », déclare Philippe Ochem. « Quand on est un peu contraint on y est obligé. Il y aura encore des changements, c’est presque sûr. La préparation du festival a consisté à faire face aux répercussions des changements constants de règles, tant au niveau national qu’international".

Un par un, les Américains qui avaient été programmés - comme le duo de John Scofield et Dave Holland, le trompettiste Avishai Cohen et le violoniste Matt Maneri - ont été obligés d’annuler, mais des groupes européens les ont remplacés. Le résultat est un programme éclectique qui comprend des premières et des créations et qui fait également appel à la force de Jazzdor, en particulier sa forte ouverture à la scène européenne au sens large.

quand je dis que nous avons de la chance, je parle de la France, où la culture est fortement subventionnée

Philippe Ochem se montre remarquablement calme lorsqu’il passe en revue les éléments auxquels lui et son équipe ont été confrontés : « Il y a des problèmes avec l’Allemagne, il y a des problèmes pour naviguer entre les zones rouges en France et en Allemagne… et il y aura aussi de nouveaux défis… nous ne savons pas vraiment quelle sera la situation quand nous serons en novembre ». La question des musiciens qu’il est en mesure de programmer a été l’un des facteurs à prendre en compte. Le nombre de places dans les salles qui peuvent être attribuées a également été une variable fluctuante et le fait de vendre des séries de places à des personnes vivant à la même adresse est un cauchemar pour la billetterie.

Cela dit, il sait qu’en tant qu’organisation culturelle subventionnée par l’État, à Strasbourg, et en France, la structure qu’il dirige a été épargnée des risques qui pèsent sur les autres acteurs du secteur. « Évidemment on n’est pas dans les mêmes conditions que pas mal de salles de musiques actuelles qui sont obligées de se rentabiliser avec la billetterie. Nous n’avons pas la même mission, et pas le même cahier de charges non plus. Et quand je dis que nous avons de la chance, je parle de la France, où la culture est fortement subventionnée par le gouvernement, les régions et les villes ».

La réponse du secteur public français à cette crise a été de veiller à ce que le financement et les engagements contractuels de Jazzdor, ainsi que le personnel soient préservés : « Nous sommes tous restés à plein temps - sauf que pendant quatre mois, nous avons été en télé-travail. Mais maintenant, tout le monde est de retour au bureau ».
Et la réponse a été concertée et cohérente : « Tout le monde nous a soutenus, en fait. De l’État avec le Ministère de la Culture, à la Région, à la Ville, au Département, tous - et pas seulement pour nous, mais pour tous les acteurs culturels et artistiques de Strasbourg - ont maintenu tous les financements qu’ils accordent ».

J’ai demandé à Philippe Ochem si le streaming pouvait être la méthode à suivre, et pour lui ce n’est pas une priorité : « Sincèrement, pour moi, les concerts en streaming ce n’est pas une solution, ce n’est pas un projet non plus. On va tout faire, même si on est en demi-salle, pour que les concerts aient lieu. Pour moi le streaming n’est même pas un plan B. Nous allons faire les concerts, à moins qu’on nous interdise de les faire ». Exceptionnellement, les événements d’octobre qui marqueront le lancement de la saison de Jazzdor et le lever de rideau du festival seront diffusés en streaming afin de faire passer le message.

Berlin/ Dresde et Budapest

Au cours de notre conversation, il a parlé de deux projets intéressants sur lesquels il travaille. Jazzdor Strasbourg a une longue expérience des collaborations entre artistes allemands et français. « On a décidé de jouer la carte franco-allemande il y a plus de vingt ans. Cela s’est concrétisé avec le partenariat avec le »Kulturburo« de la ville d’Offenburg dans le Baden-Württemberg, ensuite avec le festival Jazzdor à Berlin. On projette de retourner à Berlin en juin 2021, croisons les doigts… et avec une »petite extension« du festival à Dresde. Strasbourg et Dresde sont jumelées. On ferait quatre projets français et franco-allemands ».

Le deuxième projet concerne la Hongrie. « On avait projeté aussi de faire un Jazzdor Strasbourg-Budapest, au BMC (Budapest Music Center). Pour l’instant c’est reporté en 2022. Entre nous et BMC nous avons beaucoup de projets en commun. C’est compliqué pour l’instant mais c’est un vrai projet, et on va voir si on va le rendre possible au printemps 2022 ».