Scènes

Pierre Coulon Cerisier Quartet

Festival Radio France Montpellier


Photo © Frank Bigotte

22 juillet 2015. Le Domaine d’Ô reçoit Pierre Coulon Cerisier, pianiste montpelliérain très porté sur la composition et l’arrangement, et qui compte depuis plusieurs années dans son quartet la grande improvisatrice Géraldine Laurent.

Pierre Coulon Cerisier annonce d’emblée la couleur : le répertoire sera axé sur l’idée du blues et appuie son propos par une intro en solo très éloquente, avec un toucher petruccianisant de percussion. Géraldine Laurent poursuit les présentations avec un solo au sens premier du terme, c’est-à-dire avec la respiration du public pour tout accompagnement. Le son est chaud, les lignes éprises de liberté ; elle papillonne tranquillement au-dessus de la foule puis, d’un coup, rappelle ses compères : swing lourd, pulse puissante… en deux phrases le point de rendez-vous est limpide.

À la batterie, Joël Allouche et sa grande dynamique portent tout le son du groupe et lui donnent son relief. Avec beaucoup de personnalité, d’originalité, il va sans cesse chercher des effets qui donnent du caractère à son jeu - voir l’intro de « L’Orientale », après quoi la basse et le piano rentrent, tout en tensions. L’ambiance énigmatique est renforcée par le saxophone, qui vient se poser en douceur à ce sommet. Puis, l’espace d’un instant, le tempo disparaît dans un tumulte de sons et de fourmillements luxuriants où des cymbales moussent et des tambours roulent. Quand la poussière retombe, la ligne de basse finit par émerger, suivie de loin par la batterie. Coulon Cerisier offre alors un chorus empreint de stride et d’une grande richesse rythmique, au cours duquel il utilise toute la tessiture de son instrument. Le morceau continue sa mutation progressive et la basse entêtante se meut en une pédale qui accueille le solo d’alto. Ici, c’est Géraldine Laurent qui tire les ficelles. Sans se laisser perturber par la guerre qui se livre derrière elle, elle prend tout son temps, ne rompt jamais l’unité, ramène ses collègues dans le moelleux de son jeu puis les énerve à nouveau. À cet instant elle semble effectivement diriger l’énergie du groupe, et la rythmique suspendue à son sax.

Ils ont beau être rassemblés sous la bannière blues, les morceaux ne se ressemblent pas. « Bleue ta nuit » est une ballade intimiste pleine de tensions et de surprises harmoniques qui la tiennent bien à l’écart du sirupeux. « L’étoile du Sud » est illustré à la perfection par la contrebasse de Michel Altier et son son clair, brillant, qui capte toute l’attention. Lors de son introduction en solo, il fait entendre tout le blues - encore lui. Après un instant de lévitation, le swing revient avec un naturel impressionnant comme une matière modelée, façonnée, qui a pris forme entre ses mains.

« 280 » porte le nom de son tempo. Un thème rempli de Monk où Laurent et Allouche se répondent dans une escalade de transe. Habitué à établir des ponts entre sa musique et le théâtre, la peinture ou la danse, Coulon Cerisier profite du rappel pour jouer « Caldermobile », un morceau plein de frottements rythmiques en hommage au sculpteur Alexander Calder.