Tribune

Pour le jazz et la culture, Grenoble n’est plus ce qu’elle était

Décision funeste de la mairie de Grenoble en ce qui concerne le budget de fonctionnement de notre association « La Forge » .


Au 20 octobre, la ville nous subventionne pour l’année 2014 avec une baisse de 38,5 % par rapport à 2013, et 60 % par rapport à la subvention de départ. La fin d’année s’annonce plutôt mal, car nous sommes fin octobre 2014 et avons engagé toutes les dépenses ! (Un communiqué de François Raulin.)

Au 20 octobre, la ville nous subventionne pour l’année 2014 avec une baisse de 38,5 % par rapport à 2013, et 60 % par rapport à la subvention de départ. La fin d’année s’annonce plutôt mal, car nous sommes fin octobre 2014 et avons engagé toutes les dépenses !

Je ne parle pas au nom de l’association La Forge, car nous n avons pas encore eu de réunion - je publie ces mots à chaud :

Ce désengagement déjà constant sous la précédente mairie socialiste, avec qui nous étions pourtant en convention triennale, s’accélère et nous met dans une situation intenable. Et c’est une équipe de gauche/écologiste, dont j’ai soutenu les idées et les valeurs, qui nous met dans cette impasse ! On n’en finira donc décidément jamais d’être déçu par nos élus ? Et particulièrement par une équipe qui revendique la culture populaire pour tous… Mais peut être le travail que nous faisons avec Micromegas (orchestre ouvert à tous depuis 1997), les écoles de musique, le CRR, les chorales, les handicapés, les hôpitaux est-il lui aussi considéré comme élitiste (jazz = musique élitiste) par les experts des commissions de la ville ?

Voilà donc qui met en péril l’activité de la Forge, seule association à Grenoble revendiquant le jazz et les musiques improvisées. Cela montre le désintérêt évident pour la place de ces musiques dans l’esprit de nos élus.

Je vous rappelle l’impressionnant dispositif réservé aux « musiques actuelles » amplifiées à Grenoble - ce qui est une bonne chose - mais j’appelle à un minimum de ré-équilibrage :

Équipements de diffusion : Drak-art, Ampérage, La Bobine, Le Ciel (200 places), Labelle Electrique (900 places), Summum (2500 places) et sur le plan festivals : Cabaret frappé, Rocktambulle, etc.

Sur le plan de l’enseignement : la Chaufferie/Régie 2C (douze enseignants alors qu’il n’y a qu’un demi-poste - mais sur un profil « musiques actuelles » - créé en septembre 2014 pour le jazz au Conservatoire : 1800 élèves) et mes propres sessions de jazz ensemble, soit deux sessions en dix séances de deux heures.

Je pense à tous les gens du public qui viennent de plus en plus nous voir et nous demandent pourquoi il n y a si peu de jazz à Grenoble, je pense à tous les musiciens français et régionaux qui ont de moins en moins d’endroits où jouer dans des conditions décentes. Les jeunes musiciens talentueux ne restent d’ailleurs plus dans cette ville - ils partent à Chambéry, à Lyon, à Paris.

Grenoble a été, dès 1973, une des villes les plus actives dans le domaine du jazz européen « créatif » ; cette nouvelle équipe municipale fait clairement le choix d’abandonner cette musique, de la considérer comme insignifiante.

Je suis musicien de jazz depuis 1977. J’ai choisi de rester dans cette ville, fondant avec trois autres personnes l’association Agem en 1981, qui fut à ma connaissance l’une des premières associations de diffusion et d’enseignement en France avec le CIM et l’IACP (Paris). J’ai fait partie pendant sept ans de l’ARFI à Lyon, autre association historique en France. Puis j’ai co-fondé La Forge - compositeurs et improvisateurs réunis - en 2000.

Dès l’origine, création et pédagogie furent les axes de notre travail quotidien, ce que j’ai toujours continué à faire et à nourrir tout au long de ces années passées à créer et à jouer dans toute l’Europe, au Canada, en Afrique, en Asie, etc. Non, cette musique n’est pas morte, ni élitiste, ni anti-populaire ; elle est au contraire d’une formidable malléabilité et dialogue avec tout ce que l’art fait de créatif aujourd’hui. Elle est de plus un formidable outil de dialogue grâce à sa capacité d’ouverture et d’adaptabilité et à la puissance de l’alliance de l’écrit et de l’improvisé.

Je suis consterné par le signal envoyé à tous les Grenoblois qui aiment le jazz et la musique en général. Ils sont d’ailleurs aussi vos électeurs, Monsieur le Maire.

Merci d’avoir lu jusqu’au bout. Et… à suivre…


Rappel :

En 2014, la mairie de Grenoble est l’exception française : aux dernières élections municipales, les électeurs ont sévèrement viré le socialiste Safar pour mettre à sa place une alliance rouge-verte avec E. Piolle, qui tenait un discours alternatif rafraîchissant à la population grenobloise de gauche.

On est plus refroidi que rafraîchi ces deniers jours… Cette mairie hérite d’un projet lourd en musiques actuelles : « La Belle électrique », équipement énorme (salle de 900 places) où aucun musicien de jazz ne mettra sans doute les pieds. La Mairie finance cette structure en diminuant les subventions de La Forge (- 5000 €, c’est peu pour une ville, mais beaucoup pour une petite association comme la nôtre), - 46 000€ (soit - 20%) pour « Les Détours de Babel », fusion de l’ancien festival de Jazz et des « 38èmes Rugissants ». Se rend-elle compte qu’il ne reste pratiquement rien pour nos musiques dans cette ville ?


Retransmission du Conseil municipal du 27 octobre 2014 :