Chronique

Quincy Jones

Live in Paris - 14 Mars 1961

personnel détaillé ci-dessous

Label / Distribution : Frémeaux & Associés

14 mars 1961.
17 h 30. L’Olympia ouvre ses portes pour accueillir un public pour la plupart parisien venu écouter, applaudir, acclamer une jeune vedette du jazz : Quincy Jones. Ce concert marque la fin d’une tournée européenne de deux semaines pour lui et son orchestre. Et quel orchestre ! Composé de « dix-huit enfants » (pour reprendre ses mots), il inclus quelques jeunes hard boppers qui marqueront le jazz, comme Freddie Hubbard, Melba Liston, Curtis Fuller, Phil Woods et Sahib Shihab. Ce soir-là Jones fête ses 28 ans devant une salle comble.

18 h. Sans introduction, la performance commence sur une version up-beat de « Summertime » qui donne tout de suite l’ambiance générale de la performance. Suite aux brefs applaudissements du public, l’orchestre enchaîne sur un « G’wan Train » au groove singulier, puis sur le classique « Solitude » qui met à l’honneur Melba Liston. Arrive alors soudainement la modernité avec « Stolen Moments » enregistré un an auparavant par Olivier Nelson dans son album The Blues and The Abstract Truth. De nouveau Eric Dixon donne du souffle, accompagné cette fois-ci « du trompettiste de 6 ans » (encore selon Jones) Freddie Hubbard, qui joue pour la première fois en France. Le swing plutôt tranquille du morceau accélère et ralentit au gré de la batterie. Les solistes imperturbables sont encouragés par les applaudissements du public et les stimulations d’un Quincy qui semble bien heureux.

11 minutes 56 de pur bonheur après lesquelles sera interprété un Gershwin, « Bess, You is My Woman ». Une reprise lente, langoureuse et sublimée par le jeu du saxophoniste alto Phil Woods. S’en suit le « Moanin’ » de Bobby Timmons avec la trompette criarde de Benny Bailey. Le morceau suivant, « Banja Luka », est plus tranquille et précède l’introduction surprise du conguero Carlos « Patato » Valdés sur un « Caravan » aux influences cubaines. Le neuvième titre est une composition de Jones, qu’il nomme « Le Soleil de minuit ». La fin de « The Midnight Sun Will Never Set » laisse soudain place à une voix et à des percussions introduisant le titre « Africana » dont le nom suffit à deviner l’influence musicale. Un bijou. La performance se termine avec « Birth of a Band » de l’album éponyme de Quincy Jones sorti en 1959 - Stu Martin y montre ses talents de batteur accompagné par le public et Carlos Valdés - et enfin le très court « The Boy in the Tree » (sa première composition pour le cinéma.)

Produit par Norman Granz, Franck Ténot et Daniel Filipacchi, ce concert a été enregistré par et pour Europe 1. Dans ce live, Quincy Jones montre son formidable talent d’arrangeur. Il fait sien chaque morceau sublimé par un orchestre de talent. Pas une note de trop. Les musiciens sont certes rodés après deux semaines de représentations mais quand bien même, il faut du talent pour parvenir à une telle justesse. Chaque titre est introduit par les commentaires et blagues en franglais de Jones, par les rires et ou bavardages des musiciens, et surtout par les applaudissements d’un public qui semble conquis. Ce Live in Paris constitué de compositions, de standards (notamment Gershwin et Ellington), de modern-jazz et de world music, est annonciateur de la carrière qui attend le Chicagoan en tant qu’arrangeur, chef d’orchestre, producteur, compositeur et interprète. Cet album est l’occasion de revivre un concert mythique d’un des plus grands acteurs de la musique américaine. Une aubaine pour ceux qui, comme moi, n’étaient pas encore né.e.s ou pour ceux qui ont manqué cet événement.

par Mélodine Lascombes // Publié le 24 janvier 2021
P.-S. :

Quincy Jones (Julius Watkins (cor), Benny Bailey, Paul Cohen, Rolt Ericson, Freddie Hubbard (trompettes), Curtis Fuller, Åke Persson, David Baker, Melba Liston (trombones), Sahib Shihab Baritone, Budd Johnson Tenor, Eric Dixon Tenor, Joe Lopes Alto, Phil Woods alto (saxophones), George Catlett (basse), Leslie Spann (guitare et flûte), Stu Martins (batterie), Carlos « Patato » Valdés (congas), Patricia Brown (Bowen) (Piano)