Chronique

Raphaël Imbert Trio

NY Project

Raphaël (saxes), Joe Martin (b), Gerald Cleaver (dm)

Ce nouveau disque du saxophoniste Raphaël Imbert est l’aboutissement d’un travail de longue haleine entrepris en 2003 avec pour objectif l’étude du sacré dans le jazz. Bénéficiant du soutien de la Villa Médicis « Hors les murs », il peut alors se rendre à New York et y rencontrer les témoins et acteurs de cette musique majeure née au XXe siècle. Six ans après, voici le résultat, enregistré avec Joe Martin à la contrebasse et Gerald Cleaver à la batterie.

NY Project traverse le passé, le présent et le futur du jazz : du premier - « Echoes Of Harlem » (Ellington) - au dernier morceau - « Central Park West » (Coltrane) -, Raphaël Imbert propose un panorama habité de l’histoire du jazz, réinterprété dans un esprit de modernité, tant dans les compositions personnelle que pour les reprises. Ici, nulle nostalgie passéiste, rien que le bonheur de faire revivre tout ce qui constitue la richesse de cette musique depuis cent ans.

Le trio part donc à la rencontre des grands acteurs, tantôt explicitement (Coltrane et Ellington), tantôt spirituellement avec le magnifique « Albert Everywhere », en hommage à la mémoire d’Albert Ayler, ou en s’invitant dans la danse avec « My Klezmer Dream », qui n’aurait pas dénoté sur un album de John Zorn. Toute l’histoire de New York est présente ici, souterraine ou au grand jour. « Echoes Of Harlem » permet d’apprécier la sonorité majestueuse d’Imbert, sorte de transposition au XXIe siècle de la jungle ellingtonienne. Après le calme et la volupté de « Lullaby From the Beginning » et ses timbres très travaillés, la découverte se poursuit entre un solo de sax incandescent, l’archet de Joe Martin (l’introduction d’« Albert Everywhere ») ou la batterie foisonnante de Cleaver. Sur « My Klezmer Dream », on se demande si Zorn n’est pas là, quelque part… les intonations d’Imbert sont les mêmes. (Sur ce même morceau, on note l’impressionnante construction du solo de sax.) Après une longue suite en quatre parties, hommage à Eugen Herrigel, le trio conclut donc avec « Central Park West ». La boucle est bouclée, retour au centre de la ville.

Il y a du Tony Malaby dans ce trio : beaucoup d’espace laissé à la paire rythmique, un saxophoniste inventif au soprano, à l’alto ou au ténor, avec un vibrato léger, un jeu ardent et une sonorité exceptionnelle. On sent Raphaël Imbert totalement investi. Et il a trouvé deux partenaires à la hauteur. Cohérence, absence de temps morts et de redites… une grande réussite.