Chronique

Raphaël Imbert Quartet

Oraison

Raphaël Imbert (ts, ss, bcl), Vincent Lafont (p), Pierre Fénichel (b), Mourad Benhamou (dm)

Label / Distribution : Out There / Out Note

La passion de Raphaël Imbert l’a ramené à Oraison. Son imaginaire musical s’est lové dans les rues de ce village de Haute-Provence à la manière d’une psychogéographie swinguante. Les noms des rues de cette bourgade du val de Durance lui ont inspiré des compositions issues d’une imagination à la fertilité exacerbée mais néanmoins trempée dans l’Histoire. Point de territoire pour ce démiurge contemporain (qui a le bon goût de ne pas utiliser ce sinistre mot dans le texte du livret), mais plutôt les paysages intimes d’une République Sociale du Jazz. On sait son attachement à ce coin de planète (il avait d’ailleurs sorti un « Live au Tracteur », éphémère club du plateau de Valensole il y a une bonne dizaine d’années, et a côtoyé la guérilla musicale locale autour du guitariste Alain Soler).

Alors quoi de plus naturel que de le magnifier par sa furieuse envie de jazz ? Son jeu de saxophone amoureux est plus que jamais habité par un désir de vie, une sensualité à fleur d’anches (cette sensation de vibration de la lame de roseau (é)prise dans son souffle est absolument délectable). Sonnant parfois comme un orchestre de cordes, parfois même comme un violoncelle solo, il n’en est pas moins cet enfant (du pays) en quête de plaisir, éructant des cris espiègles et jouissifs. Évidemment, il ne pourrait transmettre une telle passion sans le fabuleux quartet réuni ici (dont le son est sublimé par une prise de son au naturel confondant, dans les murs du conservatoire de Marseille). C’est son groupe coltranien, avec lequel il avait proposé une relecture de « A Love Supreme » à Marseille il y a quelques années. L’axe qu’il forme avec le batteur (Mourad Benhammou, trop souvent perçu comme un « simple swingueur », développe ici des motifs chamaniques) est d’une plasticité délectable. Le pianiste Vincent Lafont s’immisce dans un propos d’ensemble qui, quelque part, fleure bon l’ellingtonia -ce souci de l’orchestre avant tout, jusque dans des soli confondants d’élégance. Quant à la contrebasse, Pierre Fénichel lui fait transcender sa fonction de pivot par un jeu groovy et lyrique, fondant à souhait.

On pourrait gloser sur ce sens d’une convivialité funky qui va de pair avec l’appétence du leader pour l’harmolodie d’un Ornette Coleman. Mais l’essentiel ne réside-t-il pas dans ces frissons qui nous prennent à l’issue d’un duo piano/soprano ? Ou encore dans cette exigence d’une musique qui se veut populaire jusque dans ses passages les plus free ? Voire dans cet instinct de vie qui irrigue les trois dernières plages dédiées à ses enfants (ah cette clarinette basse pour sa fille, cette ballade pour Timon, le fiston batteur…), pour qui il dessine les contours d’un autre futur ? Avec « Oraison », les sentiments de Raphaël Imbert débordent de vibrations aux émotions infinies.