Red Kite

Pour son premier disque sur le label RareNoiseRecords, le groupe Norvégien Red Kite livre une musique stimulante et fort revigorante. En guise d’ouverture, le quartet à l’instrumentarium des plus courants (guitares / basse / batterie / Fender Rhodes) se lance dans une reprise très inspirée du « Ptah, The El Daoud » d’Alice Coltrane. Le morceau est épuré de son mysticisme original et retrouve un second souffle. La magnifique ligne de basse est toujours aussi entêtante et envoutante. Elle assure l’ossature d’une longue cavalcade où se bousculent les motifs mélodiques et improvisations du quartet.

Le second morceau du disque fait indéniablement penser au son du power trio Cream. Si le jeu délayé de Torstein Lofthus à la batterie rappelle celui de Ginger Baker, alors la mise en avant et la lisibilité de la basse électrique de Trond Frones évoquent celle de Jack Bruce. Le guitariste développe à contrario un jeu très hendrixien aussi bien dans le phrasé que dans les gimmicks et une volonté mélodique très affirmée de ses interventions. Ainsi aurait sonné le groupe Cream sans Eric Clapton mais avec Jimi Hendrix. Le morceau « Fos of Insanity » cite avec un plaisir non dissimulé le riff de « Whole Lotta Love » avant de s’en aller chasser sur le terrain déjà bien défriché par l’Electric Masada de John Zorn. Et ceci avec un certain talent. Les quatre musiciens de Red Kite dégagent une énergie, une fougue et une envie à la hauteur de leurs illustres aînés. Tout y est : les gammes orientalisantes, la folie débridée, les couleurs chatoyantes portées par le Fender Rhodes de Bernt André Moen. Red Kite reprend brillamment le flambeau quinze ans après les premières réjouissances de la bande de Zorn.

La grande qualité de Red Kite est de réussir à synthétiser des influences musicales diverses, en leur donnant une homogénéité et une cohérence tout au long du disque. Le groupe montre ici un excellent savoir-faire et un très bon travail de composition. Il ravira très certainement les adeptes d’une musique aventureuse telle que l’ont pratiquée les groupes de rock les plus intéressants de la décennie 1970. Ce genre d’album, même s’il ne contribue pas à ouvrir de nouvelles voies et à faire bouger les lignes, est tout de même très réjouissant.