Chronique

Rob Clutton Trio

Counsel of Primaries

Karen Ng (as), Nick Fraser (dms), Rob Clutton (b)

Label / Distribution : Snailbongbong Records

On retrouve dans ce trio les caractéristiques qui ont longtemps fait du jazz le territoire de l’utopie démocratique. Chaque individualité tient effectivement sa part dans la mise en action collective de la musique et les places dévolues ne sont ni prédéfinies, ni bien évidemment figées. Le triangle est ici parfaitement équilatéral, puisque les sommets ne sont pas à penser dans un plan vertical où celui qui se trouve en haut dominerait les deux autres.

Bien au contraire, la conception esthétique du contrebassiste canadien Rob Clutton est de donner la part à l’inventivité de ses partenaires en les laissant alimenter le propos sans hiérarchie aucune pour peu qu’il soit investi. En cela, la batterie de Nick Fraser (qui avait accueilli Clutton en 2018 sur Is Life Long ? chez Clean Feed) ne se cantonne pas à un tapis rythmique. Elle nourrit au contraire l’orchestre de stimuli interventionnistes qui fortifient profondément la dimension mélodique des morceaux.

Dans une proximité percussive, la contrebasse joue des parties périphériques de l’instrument (grattement, claquement, grincement) et donne également une assise solide à des basses profondes qui charpentent l’architecture générale. Elles assurent ainsi les virtuosités de l’acrobate saxophoniste Karen Ng qui peut s’envoler sans crainte de chute. A l’alto, elle maîtrise son instrument et déroule une poésie légère mais jamais effacée, assez terrienne même dans certains aspects.

Au-delà de la pratique libre de l’échange tripartite, le soin accordé aux compositions charme particulièrement par des agencements ingénieux et des déroulés fluides qui marquent la bonne entente des trois partenaires et font de Counsel of Primaries un disque attachant qui finit par s’imposer naturellement.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 28 mars 2021
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