Chronique

Roberto Negro Trio

Downtown Sorry

Roberto Negro (p, Nordlead, glockenspiel), Adrien Chennebault (dr), Jérôme Arrighi (b) + invités

Label / Distribution : Autoproduction

Nous les avions rencontrés pour la première fois l’été 2010 au Tremplin jazz d’Oloron dont ils avaient remporté à l’unanimité le premier prix [1]. Depuis, le Roberto Negro Trio a continué sa route. Une route bien à lui, faite de nombreux concerts en France et en Amérique Latine, où il a tissé des réseaux forts. [2]

Downtown Sorry, leur premier et pour l’instant unique album, est autoproduit, mais il mérite mieux que cela. Si la belle énergie et l’interplay qui avaient épaté le jury d’Oloron sont moins évidents - l’effet abrasif du studio n’est malheureusement pas une nouveauté -, en revanche le disque, bien mieux que la scène, met en évidence d’autres qualités, et non des moindres.

Ce qui frappe d’emblée ici, ce sont les compositions. Narratives sans être descriptives, évocatrices et à jamais libérées des structures couplet-refrain, leurs attaches cinématographiques ne font aucun doute. Plans de coupe, champ-contrechamp, travelling, panoramiques, autant de techniques que Roberto Negro sait transposer au domaine sonore : changements harmoniques, variations de tempo et de métrique, cassures rythmiques, jeu sur les climats. « Chris Crossing the Blues » en est probablement le meilleur exemple. L’auditeur suit le mouvement, se laisse embarquer dans une histoire sculptée à coups de tensions et de développements, de conversations et de surprises, voire de plaisanteries. Une maîtrise surprenante chez un compositeur aussi jeune qui paraît connaître sur le bout des doigts ses classiques, ses modernes et ses jazzeux.

Les arrangements, ensuite. En s’adjoignant deux saxophonistes et une vocaliste [3], le groupe s’évade de la formule « power trio » - qui lui va d’ailleurs comme un gant - et s’offre une très large gamme de couleurs et de nuances, des textures venues d’ailleurs : du cinéma, toujours - les bruits sur « Xo 1 Lince » ou l’étonnant et concertant « Xo 3 Voices and Noises from Sofia »-, du hip hop parfois - « Xo 2 Radio » et son piano préparé escorté de basses saturées, mais aussi des effets orchestraux très réussis - tel le contrepoint de sax sur « Chris Crossing the Blues » -, tout en ménageant à ses invités des espaces d’improvisation suffisamment généreux.

Autant de qualités qui font de Downtown Sorry un très bon premier album et du Roberto Negro Trio un ensemble qui mérite plus qu’un détour. A suivre !

par Diane Gastellu // Publié le 2 mai 2011

[1Même distinction au tremplin de Jazz à Vannes, également en juillet 2010.

[2Le trio participe depuis plusieurs années à des projets pédagogiques et sociaux au Guatemala et au Mexique.

[3Lucas Saint-Cricq (bs, as, ss), Maxime Berton (ts, ss) et Didou (voc).