Chronique

Rouge Ciel

Bryologie

Guido Del Fabbro (vln, prog, élec, banjo), Simon Lapointe (p, keybs), Antonin Provost (g), Némo Venba (dms, tp)

Label / Distribution : Monsieur Fauteux

Pour son troisième album, le quartet canadien Rouge Ciel perpétue une veine mêlant allègrement rock progressif, musique contemporaine et musiques improvisées. Ce joyeux mélange visite, au gré des envies, les b.o. de série B Seventies et les longues plages oniriques, rencontre improbable entre l’éther pop-électro et les cordes alcalines du jazz-rock de Mahavishnu (« Jubilation Protozoaire »). Ces influences, auxquelles il convient d’ajouter les Canadiens de Conventum, proviennent surtout du violoniste, Guido Del Fabro, qui compose la plupart des morceaux de ce Bryologie. Son jeu se partage entre prise de parole dissonante et bousculant l’ordre établi, et lente structuration du quartet cherchant à embrasser toutes les directions, jusqu’à des folklores qu’on présume fantasmés (« Bryologie »)

Son entente avec le claviériste Simon Lapointe est l’axe fort de Rouge Ciel. Leur rôle dans le traitement du son et le choix des synthétiseurs, l’ajout de diverses altérations électroniques apportent beaucoup à l’univers introspectif du disque. Mais un morceau comme « Imbroglio » met en valeur le talent du batteur Némo Venba ; également trompettiste [1], il introduit avec grâce et simplicité un son très lumineux… La suite sera acidifiée par la guitare d’Antonin Provost, qui colore de rage un morceau plus intérieur.

« Antimémoire », au centre de l’album, incarne bien le propos du groupe. Ses long riffs répétitifs ponctués par un trait de Fender Rhodes forment un socle solide où s’arriment instruments et traitements comme la mousse s’accroche aux arbres [2], avant de se terminer dans un chaos orgiaque. Rouge Ciel cherche à utiliser le plus d’espace possible dans un ordonnancement des sons structuré et profond. Son guitariste donne à Bryologie une allure contemporaine et abstraite qui l’affranchit d’un son trop 70 ou 80 ; à bien des égards, c’est ce qui sauve l’album d’un formatage un peu daté.

par Franpi Barriaux // Publié le 11 juillet 2011

[1Ce qui rappellera quelque chose aux amateurs de la scène de Canterbury, dont le groupe se réclame, entre autres influences.

[2La bryologie n’est-elle pas, finalement, l’étude des mousses ?