Chronique

Russ Lossing

Inventions

Russ Lossing (p).

Label / Distribution : Blaser Music

Russ Lossing revient au piano solo après les aventures électriques et tonifiantes d’Alternate Side Parking Music. C’est dans sa maison du Delaware qu’il enregistre Inventions, une suite de six improvisations de haut vol.

Ce qui est très étonnant et qui témoigne de la science musicale de Russ Lossing, c’est cette impression d’écouter des compositions extrêmement travaillées et achevées. Il n’en est rien : ces improvisations d’une grande fraîcheur témoignent d’une finesse d’interprétation sans pareille. Les climats varient sans cesse : « Invention I » dévoile une délicieuse clarté de timbre, le pianiste prend son temps afin d’extirper les notes essentielles du canevas dans lequel la musique est plongée. Russ Lossing a une vie pianistique derrière lui, il a posé ses doigts sur un clavier dès l’âge de cinq ans et il s’est familiarisé quotidiennement dès sa dixième année avec l’improvisation. Cette maîtrise se matérialise dans la douceur d’« Inventions II », les progressions harmoniques variées s’orientant dans un climat mélancolique, le temps est suspendu.

L’abstraction qui gagne « Inventions III » dévoile une facette plus moderniste, la mélodie cède la place à une intensité rythmique, les notes graves sont sujettes à une attaque franche, déterminante. Russ Lossing avait été très marqué par ses rencontres avec John Cage, cela se ressent par les explorations originales qu’il déploie dans ces pièces. Des formes impressionnistes animent les improvisations, le pianiste les empoigne avec ferveur et leur injecte une part d’ombre salutaire.

Par son tempo lent parsemé d’ornementations mélodiques, « Inventions VI », qui clôt l’album, apparaît comme un Nocturne contemporain. Le discours inventif du pianiste y est parsemé de quelques accélérations magistrales. Cette série d’improvisations a été enregistrée la nuit, elle sublime parfaitement le recueillement et la force créative qu’a en lui Russ Lossing.