Chronique

Sophie Alour

Joy

Sophie Alour (sax, fl, arr, comp), Mohamed Abozekry (oud, chant), Damien Argentieri (p, acc), Donald Kontomanou (dms), Philippe Aerts (b) + Wassim Halal (derbouka).

Label / Distribution : Music From Source

À l’évidence, le regard que Sophie Alour porte sur sa musique est panoramique. Après un coup d’œil amoureux dans le rétroviseur des standards (Time For Love), et sans perdre de vue pour autant le swing mêlé de blues des jazzwomen emmenées par Rhoda Scott, voici que la saxophoniste scrute l’horizon en quête d’autres mondes. Plus loin, par-delà nos cultures occidentales, même si finalement les différences sont parfois plus minces qu’il n’y paraît. Parce que le fil conducteur du travail de cette Bretonne est toujours le même : celui d’une joie d’être en communion avec ce qui nous unit, ce langage sans mots qui voyage et traverse les continents en une fraction de seconde, le temps d’un flash et d’un battement de cils. Si les émotions épousaient la forme d’une harpe, nul doute que celle de Sophie Alour serait de type « troubadour ».

Avec Joy, la saxophoniste a choisi d’emprunter des chemins plus lointains qu’à l’habitude, mais ceux-ci sont toujours imprégnés d’évidence mélodique. Entourée d’un trio d’une indéniable vitalité, capable d’élever la musique en un instant (Damien Argentieri au piano, Philippe Aerts à la contrebasse et Donald Kontamonou à la batterie), Sophie Alour sait qu’elle peut prendre appui sur leur dynamisme pour accueillir Mohamed Abozekry, joueur d’oud à la fois grand technicien de l’instrument et improvisateur inspiré. Et pour rehausser les couleurs de ce tableau sonore plein de vie, elle a recouru aux services d’un invité sur quelques titres en la personne de Wassim Halal à la derbouka. Encore un musicien ouvert aux univers multiples, un autre travailleur des timbres.

Joy porte bien son nom, car c’est un disque de la plénitude, et sans doute celui d’une forme d’accomplissement pour une musicienne dont on connaissait tout autant la sensibilité que l’énergie. Sophie Alour n’avait rien à nous prouver, tant son cheminement a su démontrer, par sa conjugaison harmonieuse d’humilité et d’éclectisme, son pouvoir créatif, dans un univers artistique qui rechigne encore à accorder leur juste place aux femmes. Mais sa partition heureuse, d’un humanisme discret, est là comme un nouvel engagement et une profonde respiration. La sienne et la nôtre. Et pour une fois, histoire de mieux en profiter, on n’hésitera pas à tomber le masque. Mais chut, ne le dites à personne…