Chronique

Soweto Kinch

A Life in the Day of B19 : Tales of the Tower Block

Soweto Kinch (as, voc), Femi Temowo (g), Michael Olatuja (b), Troy Miller (d), Abram Wilson (tp, voc), Deys Baptiste (ts), Harry Brown (tb), Moira Stuart (voc)

Label / Distribution : Dune

Connaissez-vous Birmingham, ville du centre de l’Angleterre ? Le saxophoniste et rappeur Soweto Kinch nous présente ses tours dégradées et ses vies brisées ou au contraire pleines d’espoir dans A Life in the Day of B19 : Tales of the Tower Block. On connaissait Kinch soliste fougueux et showman charismatique, mais l’ambition de cet album-concept est autre : trois personnages principaux aux destins très différents évoluent au fil de morceaux vocaux et instrumentaux influencés autant par le hip hop que par le jazz. De plus, cet album n’est que le premier volet d’un diptyque qui reprendra le fil de leurs vies.

Quand la sauce prend, c’est-à-dire quand le fil narratif est le mieux tendu, on croirait presque assister à une pièce de théâtre, à l’image de ce merveilleux et hilarant dialogue sous forme de chanson entre S, jeune saxophoniste sans le sou, et l’employée de l’ANPE locale. Bien que cette dernière ne comprenne rien aux ambitions musicales du premier, leurs phrases riment et se complètent, jusqu’à se confondre. La variété d’accents complète la palette qu’utilise Kinch pour planter le décor, de celui plutôt posh (aristo) de Moira Stuart, présentatrice de JT à la BBC qui sert ici de narratrice, à la voix criarde de Marcus, jeune qui rêve de marcher sur les brisées de 50 Cent.

Les morceaux rappés démontrent par l’absurde la vacuité de la vantardise matérialiste du rap commercial ou dénoncent les mauvais rappeurs, mais c’est « Ridez » qui sort du lot en donnant un aperçu des habitants de la tour B19, au moyen d’un ascenseur brinquebalant qui descend d’étage en étage vers le rez-de-chaussée.

On l’aura compris, cet album a un quotient hip hop plus élevé que son prédécesseur, Conversations With The Unseen. Toutefois, les instrumentaux jazz comme « Adrian’s Ballad » ou le bondissant « A Friendly Game Of Basketball » sont d’une facture classique qui démontre bien l’écriture limpide et le jeu vif de Kinch, ainsi que l’entente forgée depuis plusieurs années déjà au sein de son groupe. La riche utilisation d’un choeur trompette-saxophone-trombone sur « The House Love Built » démontre ses progrès en tant que compositeur. Les enchevêtrements de guitare de « Love Gamble », entre Bach et l’Afrique, les accents rock d’« Out There » ou les sons synthétiques de « Who Knows ? » suggèrent que le saxophoniste a encore bien des ressources.