Stéphane Payen Ingrid Laubrock Chris Tordini Tom Rainey

Ce n’est pas une de ces rencontres impromptues dont le jazz est coutumier. Bien que la surprise soit plaisante, Ingrid Laubrock et Stéphane Payen se fréquentent, en effet, à intervalles réguliers depuis de nombreuses années sans avoir encore jamais rien gravé ensemble jusqu’à ce jour (voir notre entretien).

S’adjoignant les services du batteur Tom Rainey et du bassiste Chris Tordini (autre familier du collectif informel du jazz d’investigation new-yorkais), les deux soufflants ont posé sur le papier une série de compositions personnelles organisées de manière équitable et alternée.

La proximité des styles, voire leur complémentarité, est le signe d’une authentique connivence et d’une aspiration commune. Celle d’une musique épurée, délicieusement abstraite où chaque note est soupesée. Le son droit, net, met en valeur des dissonances millimétrées et chaque intervention des saxophones, d’autant mieux lorsque ils se superposent, s’aventure sur des architectures aux harmonies complexes et aux rythmiques heurtées et louvoyantes.

Car l’espace est un des moteurs de la formation. La mobilité aussi. Le travail sur la concision du propos induit un déplacement méticuleux où rien ne déborde. Même la batterie est de la partie. La justesse des cellules rythmiques construit le parfait contrepoint aux mélodistes. La basse généreuse mais discrète de Tordini bat comme un pouls lent qui accroche la musique à des fondamentaux. Comme dans toute mécanique bien huilée, les pistons montent et descendent, envoient la pression nécessaire, relâchent les tensions accumulées et produisent une énergie nouvelle, particulièrement originale, qui permet une avancée tonique d’où émerge un swing hybride particulièrement intéressant.