Chronique

Susanne Alt

How to Kiss

Susanne Alt : alto s, voc, prod ; Sven Schuster : cb ; Philippe Lemm : dr, perc ; Thijs Cuppen : Fender Rhodes, Hammond L100 ; Eran Har Even : g.

Label / Distribution : Venus Tunes/CODAEX

Nom : Alt. Prénom : Susanne. Profession : sax alto. Plus connue sur les scènes du nord (elle réside à Amsterdam) qu’en France où ses passages sont rares. Particularité de cette jeune femme : une musique naviguant entre funk, rytthm’n’blues et soul, sans dévier ni se laisser distraire. Comme un sacerdoce.

Ici, Susanne Alt signe How to Kiss, son quatrième disque. Douze titres rapides, mélange de compositions personnelles et de reprises de grands thèmes issues de ces mêmes inclinations, à qui elle fait subir diverses cures de jouvence sans jamais aller jusqu’à l’iconoclasme, tels le “Cold Sweat” d’Alfred Pee Wee Ellis ou “What’s Going On” instrumental. Le choix des thèmes, ceux-là comme les autres, traduit bien la démarche de la saxophoniste.

On est donc en terrain archiconnu. D’autant que Susanne Alt ne déroge pas à la règle : autour d’elle, un trio d’habitués (claviers, contrebasse, batterie) qui l’accompagnent depuis la première heure, auquel s’ajoute ici la guitare d’Eran Har Even. Et, tout de même, pour donner un peu plus de corps à l’ensemble, elle a l’idée d’introduire d’abondantes percussions (Jos de Haas) et, sur deux compositions seulement (dommage !), une trompette (Loet Van Der Lee), qui apporte notamment à son “Cold Sweat“ des développements bienvenus. Pour parfaire l’ensemble, Thijs Van Leer fait sonner son Hammond dans le droit fil des maîtres du bi-clavier.

Ce respect de la tradition des James Brown, Curtis Mayfield, Marvin Gaye et autres Booker T & J, demeure la trame de How to Kiss (du nom du premier morceau de l’album, morceau rapide, R&B sur toute la ligne, avec une belle intervention de Loet Van der Lee). Manifestement la jeune musicienne se fait avant tout plaisir en reprenant presque mot pour mot quelques grands thèmes du panthéon funk ou R&B (What’s Going On, tube planétaire et sacro-saint de Marvin Gaye), ici s’échangeant entre Fender Rhodes et sax, avec orgue en fond de scène. Dans la même veine, l’approche de « B.Jammin », bien enlevé, semble marcher dans les pas de son concepteur. « Snokie », en revanche, saute allègrement vers la case funk, avec une belle intervention de la guitare. On regrette tout de même une certaine facilité, et l’absence de ligne de cuivres renforcée, à même de découper au couteau les digressions du thème.

Cela n’empêche pas Susanne Alt de s’aménager des plages plus sereines. Ainsi, « Scotheny », une des trois compositions de l’album, aborde un registre différent ; c’est une jolie ballade aux accents inédits, synthèse des chemins parcourus. Les accents du saxophone s’imposent d’évidence, réfléchis et mélodieux à l’extrême. Dans la même veine - en plus jazz - “Willow Weep for Me”, qu’elle domine de bout en bout, s’autorise une superbe improvisation dépouillée. Le quintet trouve alors un équilibre qui - de même que le solo de “No Rules”, laisse espérer des métamorphoses à venir.

Irréductible d’une musique qui aimerait bien ne pas avoir pris une ride, Susanne Alt sait visiblement façonner autour d’elle l’écrin musical adéquat. L’album se clôt sur un “Just A Little Lovin’” chantonné, gracile, qui sonne comme un résumé de l’ensemble.