Chronique

The Kandinsky Effect

Somnambulist

Warren Walker (ts, fx), Gaël Petrina (b, fx), Caleb Dollister (dms, elec, fx)

Label / Distribution : Cuneiform Records/Orkhêstra

Après une escapade en Islande pour Synesthesia, les Franco-Étasuniens de The Kandinsky Effect sont de retour à Paris pour leur troisième album (le second sur le label Cuneiform). Leur intérêt se porte toujours vers les dysfonctionnements neurologiques mineurs puisque cette fois-ci, il est question d’un Somnambulist. L’occasion de travailler une atmosphère à la fois éthérée et onirique où la dimension sensorielle, mise à l’épreuve par de nombreux échos et des ruptures rythmiques constantes, revêt une importance cruciale. « Copalchi Distress Signal », en ouverture, construit sa rythmique heurtée autour d’un tintement à l’écho infini ; on pense au travail du son d’électroniciens tels que les membres d’Aphex Twin - influence d’ailleurs revendiquée par le groupe, qui n’en garde toutefois que l’aspect le plus sage. C’est le lien unissant le bassiste électrique Gaël Pétrina et le batteur Caleb Dollister qui, indéniablement structurant, définit l’identité du trio.

La combinaison entre le son façonné par les pédales de Petrina et le drumming de Dollister, très influencé par la musique électronique, domine un peu partout. « Chomsky » et son breakbeat instable autour duquel le ténor perclus d’effets (Warren Walker) en est un parfait exemple. Insensiblement, le propos évolue vers une musique davantage travaillée par les machines, ce qui n’entame pas son côté chaleureux. Déjà amorcé par Synesthesia, le penchant pour la pop se confirme (« Sad Fly »). Le saxophone s’empare ainsi de mélodies simples, assez sucrées, mais érodées avec beaucoup de soin par une base rythmique fiévreuse et inventive.

Longtemps présenté comme un power trio, The Kandinsky Effect s’éloigne de la recherche permanente du rapport de force. Mais l’absence d’opposition frontale n’interdit pas le goût du mouvement ; celui-ci se manifeste avec beaucoup de vigueur sur « Flips », en jouant sur la dichotomie entre l’acide d’une basse cabossée et un saxophone qui se métamorphose peu à peu en guitare électrique - comme dans un certain jazz-rock vers lequel le trio se dirige naturellement. Somnambulist est une flamme déclarée à la pop et à l’électro par trois jazzmen qui ne tombent pas pour autant dans la facilité. L’exercice n’est pas aisé, mais pas inintéressant non plus.