The Messthetics

Troisième disque pour ce trio qui réunit, aux côtés du guitariste Anthony Pirog, rien moins que la mythique section rythmique du groupe de punk hard-core des années 80-90, Fugazi. Joe Lally tient toujours la basse avec son flegme naturel et son sens dépouillé de la fluctuation mélodique tandis que Brendan Quanty, aussi peu démonstratif que son camarade de jeu, donne toujours des baguettes avec un sens de l’efficacité et beaucoup de souplesse dans la frappe. La paire aura, entre autres, permis à leur groupe d’origine de dépasser le stade de formation de bourrins et d’accéder, notamment par un engagement politique et moral incontestable, au statut de groupe de légende.

Et le jazz dans tout ça ? Après avoir publié leurs deux premiers disques sur le label Dischord, écurie de la scène punk-hardcore washingtonienne, le trio signe ce nouvel enregistrement sur le label Impulse, légendaire lui aussi à bien des égards, en invitant James Brandon Lewis. Élargissant ses frontières mais attentif à rester dans la continuité d’une histoire afro-américaine qu’il cherche à renouveler, le saxophoniste est le garant d’un lien avec la Great Black Music et, s’il se prête bien au jeu de l’échange trans-esthétique, il conserve toutefois ses caractéristiques propres. Un son plein, un déferlement de notes et des phrases sinueuses viennent se poser sur les riffs rock de ses partenaires et emportent le lead de nombreux de titres lorsqu’il transforme son chant en déflagrations free.

Bien sûr, l’immédiateté de cette musique, son énergie spontanée et sa sincérité authentique fonctionnent et le disque s’avère plaisant sur l’ensemble du programme proposé. Pourtant, une fois l’écoute terminée, un sentiment d’inaboutissement pointe, comme si les deux univers peinaient réellement à s’entrecroiser et former un bloc solide. Certes, on se trouve là dans un rhythm’n’blues punk efficace, mais les pistes tournent à la jam tonique, manquant de la charpente solide de compositions abouties.