Chronique

The Oscar Peterson Quartet

City Lights - Live In Munich, 1994

Oscar Peterson (p), Niels-Henning Ørsted Pedersen (b), Lorne Lofsky (g), Martin Drew (d).

Label / Distribution : Mack Avenue Records

Il y a des musicien·nes d’envergure qui échappent à toute classification, soit en raison de leur profonde originalité soit parce que les multiples influences emmagasinées débouchent sur un univers bien trop complexe et personnel. Décédé en 2007, Oscar Peterson fut un artiste de cette trempe, tout à la fois inventif et doté d’une technique époustouflante, à l’instar de Martial Solal.

Enregistré le 13 juillet 1994 au Münchner Philharmonic à Munich, ce disque est produit par Kelly Peterson, l’épouse du pianiste montréalais, réputée pour son engagement artistique dans l’Oscar Peterson International Jazz Festival qui rassemble chaque année le meilleur de la scène canadienne. « There Will Never Be Another You » dévoile le jeu sensible du batteur Martin Drew aux balais, vite rejoint par l’un des éminents contrebassistes du XXe siècle, Niels-Henning Ørsted Pedersen. Le quartet est rodé, il sait faire décoller la musique, le guitariste Lorne Lofsky soupèse ses notes et livre comme à l’accoutumée un solo élaboré, permettant ainsi au pianiste de s’engager dans une improvisation généreuse. Les interventions solistes d’Oscar Peterson sont tout à la fois élégantes et prodigieuses. « Kelly​’​s Blues » démontre l’intensité de sa main gauche dans l’affirmation du soutien rythmique et « City Lights » est égayé d’une multitude de notes cristallines.

Chaque intervention soliste de Niels-Henning Ørsted Pedersen est un régal, il ne se répète jamais. « The Gentle Waltz », « You Look Good To Me » permettent de mesurer une virtuosité qui s’inscrit dans la droite ligne de Scott LaFaro. Son sens aigu du tempo convient admirablement à Oscar Peterson avec lequel il enregistra une bonne cinquantaine d’albums. Ces deux artistes sont indissociables.

Encensé par Duke Ellington, Oscar Peterson fut l’accompagnateur de toutes les légendes du jazz, de Louis Armstrong à Charlie Parker en passant par Stan Getz, Billie Holiday et Ella Fitzgerald. Hanté par l’Afrique, il enregistra « Peace », écrite pour l’Afrique du Sud, et « The Fallen Warrior » pour Nelson Mandela lorsque ce dernier était en prison. Cet album tonique a le pouvoir de réconcilier les tenants d’un jazz traditionnel et les amateurs d’avant-garde car la fraîcheur qui s’en dégage évite toute compromission. C’est aussi une leçon de courage avérée, ce concert ayant été donné un an seulement après qu’Oscar Peterson eut été victime d’un accident vasculaire cérébral qui avait affaibli sa main gauche.

par Mario Borroni // Publié le 16 mars 2025
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