Chronique

The Whøøøh

Souvenirs Souvenirs

Lars Bech Pilgaard (g), Henrik Pulz Melbye (ts, cl), Sylvain Didou (b), Casper Mikkelsen (dms)

Label / Distribution : Ormo Records

Le contrebassiste brestois Sylvain Didou n’est pas du genre à rester au bout de sa Bretagne. Membre d’Esperanto, qui explore le répertoire flamenco, il est également l’animateur du quartet franco-danois The Whøøøh. Premier album physique de cette jeune formation, Souvenirs Souvenirs, dont il signe la plupart des titres, fait suite à un premier enregistrement publié en 2012 sur son Bandcamp. En compagnie du guitariste Lars Bech Pilgaard, leader du très intéressant quartet Slowburn, Didou offre une musique écorchée et aride, entre rock et jazz, où la voix traînante du saxophone ténor de Hank Pulz Melbye s’extirpe d’un creuset furieusement dense (« Pylone »).

A l’instar de leurs homonymes anglais, plus célèbres, les Whøøøh développent un goût pour les rythmiques stables et roboratives. Mais la comparaison s’arrête là. Certes, la batterie de Casper Mikkelsen sur « Rozo » ajoute sa pulsation fruste sur une basse impavide, mais cette rythmique rock est un tremplin idéal pour la discussion anguleuse de la guitare et du saxophone, inséparables et fougueusement libres. Tout au long de l’album, ce sont les cordes percluses d’effets de Pilgaard qui donnent leur saveur acerbe à ces Souvenirs. Ici, la guitare franchit le mur binaire par un feulement électrique qui laisse place à la surenchère avec le saxophoniste. A l’inverse, sur « Dodgeball » et ses premiers atours très rock, ce sont les longues plaintes monocordes de Melbye qui obligent le guitariste à sortir de son motif répétitif pour se lancer dans des riffs acides qui déstabilisent peu à peu l’ensemble.

A l’écoute de l’album, et surtout d’un morceau comme « Kwutch », on songe vite à ce que Seb Brun et ses comparses d’Irène peuvent proposer sur le label Carton, ou à ce qui se trame du côté des Vibrants Défricheurs, comme une sorte d’entre-deux - entre la pugnacité raffinée de Kumquat et la force d’impact de Syntax Error. Mais à l’instar de ceux-ci, la lame de fond serait plus puissante si la base rythmique sortait plus souvent de sa rectitude. The Whøøøh sait le faire à merveille dans le chaos final de « Run », avec Didou à l’archet. Peut être faudra-t-il persister dans cette veine pour s’illustrer de manière plus singulière.