Chronique

The Workshop

Music by Doug Hammond

Stéphane Payen (as), Olivier Laisney (tp), Guillaume Ruelland (b), Vincent Sauvé (dms)

Label / Distribution : Onze heures onze

C’est le propre de toute argumentation : d’abord on dresse un panorama global, on contextualise afin que l’interlocuteur-auditeur comprenne bien d’où et de quoi l’on parle ; c’était Conversations With a Drum, le premier volet de The Workshop, le nouvel orchestre du saxophoniste Stéphane Payen sorti il y a quelques mois. Ensuite, une fois le raisonnement posé, on recentre ou l’on décentre à force d’exemples ou d’études de cas afin d’étayer le propos. C’est ce que l’on retrouve ici avec le second volet du quartet dédié au batteur et chanteur Doug Hammond, illustré par ses compositions. Le choix n’est pas dû au hasard. Son parcours a valeur d’enseignement ; compagnon de route de Payen avec qui il a enregistré Rose en tentet en 2010, Hammond a partagé son temps de pédagogue entre les Etats-Unis et l’Europe. Sa discographie également est séduisante, du Mingus Move en tant que chanteur et compositeur au Perspicuity avec Steve Coleman comme rythmicien. Un trait d’union qui a la morphologie de tous les intertextes.

Avec la même équipe que son Workshop précédent, Payen s’immerge dans la musique de Hammond. Le bassiste Guillaume Ruelland est toujours aussi juste, même si son jeu gagne en nuances, tout en gardant sa dynamique. Sur le beau « Vanessa’s Dance », il cherche moins à encadrer la parole des soufflants, dont il souligne la grande liberté tout en restant sur une ligne de crête faite d’ostinati foudroyants et de constructions exigeantes en compagnie de Vincent Sauvé, en tout point remarquable. Dans ce deuxième volet, le rôle du batteur est primordial. Comme s’il cherchait à endosser la double casquette de Hammond, Sauvé fait chanter ses tambours qui répondent avec une rare finesse. Ainsi, « In Flight » est une romance pour base rythmique mise en lumière par ses complices. La batterie s’exprimera ailleurs de façon plus anguleuse, à l’image de « Perspicuity 1 », où il répond au jeu clair et précis de Payen.

La volonté du saxophoniste est de témoigner du façonnement d’un orchestre en temps réel. Les deux albums de The Workshop en sont autant de rapports d’étape : c’est ce qui explique cette sortie au premier abord surprenante de deux disques en si peu de temps. Si évolution notable il y a entre les disques, c’est dans l’entente de Payen avec le trompettiste Olivier Laisney qu’elle se situe. Sur l’intense et central « Learning », seul morceau qui ne soit pas signé Hammond, ils s’entrelacent avec précision, ce qui donne beaucoup de relief à un orchestre qui gagne en cohésion. C’est la force des discours bien ordonnés : savoir donner de la cohérence à chacune des parties indépendamment des autres. Les climats très différents des deux albums malgré leurs liens évidents, ainsi que la complicité des musiciens sont la recette idéale de cette réussite. Il nous tarde de découvrir la suite qui aura sans nul doute des allures de synthèse.