Chronique

Thelonious Monk

Mønk

Thelonious Monk : p ; Charlie Rouse : ts ; John Ore : b ; Frankie Dunlop : d

Label / Distribution : Gearbox Records

Les petites histoires alimentent la grande histoire de l’art et il n’est pas rare qu’une œuvre d’importance soit découverte par hasard, cachée, enfouie, maquillée…
Combien de bandes enregistrées sans étiquettes contiennent des trésors ? Combien de greniers, de caves ont été vidés dans une benne, en vrac, emportant à tout jamais des merveilles oubliées ? C’est justement ce qu’il ne s’est pas passé avec le matériel qui constitue ce disque.

Les bandes du concert du Thelonious Monk quartet, enregistré le 5 mars 1963 à Copenhague, au Odd Fellows Palæet [1] ont été jetées dans une benne lors d’un nettoyage de printemps dans les années 1980. Par chance, une personne bien informée les a sauvées et jalousement gardées jusqu’à aujourd’hui. Ainsi, Gearbox Records, en accord avec la succession Monk, a pu racheter ces bandes.
Le label a réalisé un travail d’orfèvre pour leur restauration, à tel point que l’énergie et le swing de ce concert donnent un petit coup de vieux à l’album précédent, Monk’s Dream, enregistré par Columbia fin 1962 et le plus vendu des albums de Monk. Il faut préciser aussi que la restauration avait pour but l’édition de disques vinyles, deux versions différentes : une version luxe tirée à 500 exemplaires signés et comprenant une photographie de Val Wilmer et une version standard en 180 g. Le CD se vend également et, pour compenser le moindre intérêt, il présente deux plages supplémentaires.

Sur le plan musical, on a là un quartet au sommet : Charlie Rouse au saxophone ténor, John Ore à la contrebasse et Frankie Dunlop à la batterie. Ils jouent ensemble depuis la tournée européenne de 1961 et viennent donc d’enregistrer Monk’s Dream, un succès. Le concert de Copenhague se situe en pleine session d’enregistrement de l’album Criss Cross, autre référence célèbre. Enfin, Monk fera la Une du magazine Time, le 28 février 1964. Autant dire que la période est bonne pour le pianiste, ce qui — quand on connaît sa vie — procède de l’exceptionnel.

De l’album Monk’s Dream, trois titres sont joués : « Monk’s Dream », « Bye-Ya » et « Body and Soul » (joué en solo comme souvent par Monk). « Nutty », un titre de 1954, et le standard « I’m Getting Sentimental Over You » (souvent joué en concert avec ce quartet) complètent la liste des morceaux.

Ce concert est hautement recommandé, d’une part parce qu’il est inédit et d’autre part parce qu’il est de grande qualité. Et il est spécialement édité à l’attention des possesseurs de platines.

par Matthieu Jouan // Publié le 16 décembre 2018
P.-S. :

[1Un étonnant hôtel particulier rococo appartenant à la loge Odd Fellows, une société amicale et solidaire, versée dans le social et le culturel.