Chronique

Tol’s Toy

Lila

Christoph Erb (ts, bcl), Hans-Peter Pfammatter (cla, elec), Flo Stoffner (g), Julian Sartorius (dms)

Label / Distribution : Veto Records

Dirigé par le saxophoniste Christoph Erb, le label suisse alémanique Veto Records s’inscrit dans un ton très contemporain et ouvre ses portes aux musiques lorgnant autant du côté du métal que des abstractions électroniques. C’est au ténor et à la clarinette basse qu’on retrouve Erb à la tête du quartet Lila pour un disque à la noirceur contemplative et très touffue. Tol’s Toy évoque largement l’univers de Terje Rypdal ou, plus proche de nous, celui du groupe Q, notamment par sa faculté de donner du relief à une matière au premier abord inextricable - bien que révélant à terme une musique complexe et très ouvragée, taillée dans une masse imposante.

Autour de morceaux très courts à l’univers inquiétant (« nohpolyX »), prises de respiration avant de replonger dans des abîmes d’électricité, Tol’s Toy comporte des morceaux plus longs, très écrits, étagés en strates chaotiques et souvent antagonistes qui s’accouplent pour alourdir encore le flot sonore. Ainsi, « Photo-Apperat-Graph », sans doute le morceau le plus intéressant de l’album, débute dans les stridences heurtées du ténor qui s’incrémentent au métal de la batterie de Julian Sartorius avec une apparente et très fugace fragilité. Au fil des mesures s’instille, d’acidités électroniques en nappes profondes, le jeu de clavier très structurant de Hans-Peter Pfammatter. L’implication de ce dernier, allié aux épaisses textures de Flo Stoffner, détermine largement le son de Lila. Ce guitariste déjà remarqué dans le Gruppe 6 de Manuel Mengis, donne toute son ampleur à cette musique par son jeu virulent et sinueux qui griffe avec fracas le maelström. Parfois la structure s’éparpille en éruptions rapides laissant échapper une rythmique funk venue de nulle part, ou un orage d’électronique qui se noie à nouveau dans une masse incandescente. On retrouve avec « Buxus Harlandii », au centre de l’album, une construction similaire, outre de longues plages monochromes écorchées d’électricité qui pénètrent un peu plus dans le jeu de basse tonitruant de Pfammatter.

Malgré quelques répétitions, Tol’s Toy étonne par sa puissance et sa capacité à trouver une profondeur abyssale à la noirceur qui l’accompagne. On pourra se sentir heurté par une agressivité un peu saillante, mais l’univers de Lila a le mérite d’assumer jusqu’au bout un propos solide et parfois oppressant.