Chronique

Trio Grande

Signé

Laurent Dehors (anches, orgue, Jew’s Harp), Michel Massot (tba, tb), Michel Debrulle (d)

Label / Distribution : De Werf

Après le formidable album du Rêve d’Eléphant Orchestra (voir chronique), la paire Massot-Debrulle s’associe au multi-instrumentiste Laurent Dehors pour un album dont les deux éléments essentiels me semblent être l’humour et la joie. Ils transparaissent presque constamment à travers thèmes et improvisations, surtout celles de Dehors. Ce qui n’empêche ni des morceaux ou des solos exprimant moins de gaieté, mais le bonheur de jouer est toujours évident.

Michel Massot compose la plupart des morceaux ici, ce qui permet de retrouver son style d’écriture si personnel. Il crée des mélodies accrocheuses qui ont l’air de sautiller, d’être littéralement vivantes. En effet, de par leur rythmes, leurs intervalles, mais surtout leur esprit, les morceaux de Michel Massot ont une force vitale très communicative. Dans ses solos, on peut aussi entendre son esprit de compositeur dans leur construction, notamment celui d’ « Un chat sur le toit ».

« Voltigeur » par exemple est très dynamique et dense, avec une mélodie souple qui s’enchaîne de manière remarquable. D’un autre côté, « L’acrobate », que l’on considérer comme étant la ballade de l’album, atteint tout simplement des sommets de beauté dans la lenteur et la délicatesse.

Les morceaux sont relativement courts (de 2.5 à 5 minutes), ce qui favorise l’unicité de chaque solo et ambiance. Les deux morceaux plus longs sont en réalité des suites. « Rêve d’Eléphant » par exemple enchaîne une première partie joyeuse et légère jouée dans un registre aigu, une deuxième partie beaucoup plus lente et lourde jouée dans les graves et se termine avec une troisième partie funky.

Les arrangements exploitent surtout deux possibilités offertes par l’instrumentation du trio : le contrepoint et les vamps. Les thèmes sont souvent étoffés par des contrepoints complexes entre Massot et Dehors, ce qui augmente la densité de la musique. Durant les solos, l’un ou l’autre assure généralement une ligne de basse répétée au tuba ou à la clarinette basse.

Michel Debrulle participe tout autant à ce dialogue. La résonance de sa grosse caisse de Binche est essentielle à l’atmosphère ou la densité de certains morceaux. De plus, il n’est jamais réduit au rôle de simple accompagnateur, mais commente et soutient toujours le jeu de ses partenaires sur un pied d’égalité.

Laurent Dehors compose trois morceaux. « Silent Way » sonne comme une mantra de moines tibétains. « Félicie » et « Mon petit panaris » sont bourrés d’humour déjanté. Ses improvisations au cours de l’album dénotent fortement un musicien qui joue et qui pense de façon réellement libre : comparez son jeu sur « L’acrobate » et la troisième partie de « Rêve d’Eléphant ».

En l’espace de quelques mois, Michel Massot et Michel Debrulle ont sorti sur le label De Werf deux grands albums qui proposent une musique originale, sophistiquée et enchanteresse, mais qui n’oublie jamais que dans la vie, il faut s’amuser.