Chronique

Trio (Mit) Marlene

The Surface of an Object

Giacomo Merega (b), Michaël Attias (as, cla), Satoshi Takeishi (perc)

Label / Distribution : Rudi Records

Installé depuis de nombreuses années à New York, le bassiste italien Giacomo Merega est inspiré de longue date par la relation intime et parfois secrète que la musique entretient avec l’art plastique ou la photographie. Comparse indéfectible de Noah Kaplan, il a enregistré avec lui de nombreux albums, de l’évocation de la lumière crue avec The Lights And Others Things, en trio avec le guitariste David Stronzo, à Descendant, enregistré pour Hat-Hut en quartet, avec notamment Joe Morris à la guitare. Habitué des relations triangulaires, il retrouve pour Trio (mit) Marlene deux musiciens à la complicité ancienne. Le saxophoniste Michaël Attias et le percussionniste Satoshi Takeishi animent tous les deux avec le contrebassiste John Hebert le trio Renku dans un style assez voisin de ce The Surface Of An Object, enregistré pour le label italien Rudi Records.

C’est à la dimension physique du son que s’attache le trio. Dans « The Physical Margins Of The Novel », longue introduction à l’album, l’alto d’Attias joue des phrases simples et impassibles charriées par un souffle granuleux. Ce timbre sablonneux entame strie par strie la robuste rondeur de la basse électrique, matériau de base d’une sculpture qui prend forme en temps réel. Comme le bois brut qui illustre la pochette, ici la musique se fait matière ; elle sait passer du soyeux au rugueux lorsque, à l’orée de « How to Build A Wall With Your Head », le bassiste et l’alto cessent de converser pour créer une rupture soudaine : les clés du saxophone font écho au relief créé par Takeishi qui, d’abord discret, enfle à chaque mouvement.

On retrouvera cette pointilleuse attention au moindre cahot, à la plus mince sinuosité, sur le très poétique « Life’s A Photograph », où le saxophone s’immisce comme une feuille de gélatine entre les éclats sporadiques du métal frappé et le son devenu saillant des cordes de la basse. Comme pour accentuer le relief, Attias délaisse même ses anches pour un piano électrique, rejoignant Merega sur sa propre surface pour entamer plus profondément la glaise qu’il façonne. Assez court, The Surface Of An Object tente de retranscrire la sensation engendrée par les timbres qui s’attachent à la matière, en évitant les habituelles références à l’exubérance de la masse pour s’intéresser aux entailles et aux sillons avec beaucoup de subtilité.