YES ! Trio

Avec ce nouvel album (le troisième en plus de vingt ans d’existence !), le trio formé par le batteur Ali Jackson, le pianiste Aaron Goldberg et le contrebassiste Omer Avital nous rejoue l’histoire du triangle amoureux… du jazz évidemment ! Une formule qui fonctionne d’autant plus qu’elle était sociologiquement improbable entre un afro-américain originaire de La Nouvelle-Orléans à la batterie, un intellectuel issu de la bourgeoisie juive de Boston au piano et un hippie ayant grandi en Israël venu dans la Grosse Pomme pour s’adonner aux délices sulfureux du be bop. Mais voilà : les torrides jam sessions au Small’s (cette cave de Greenwich Village devenue « The Jazz Corner of the World »), pendant lesquelles ces trois cats se sont trouvés, ont fait que la passion musicale l’a emporté sur la (dé)raison sociale.

Foin des déterminismes donc et soyons libres, semblent nous dire ces trois artistes. Leurs racines sont sublimées dans un interplay porté à son paroxysme. Au drumming aux accents de second line répond un piano impressionniste, pendant que la contrebasse prend des accents entre soul et blues yéménite - Avital a su intégrer ses racines moyen-orientales dans son jeu avec une facilité qui frôle l’insolence. Quand le batteur déploie un jeu de charleston démultiplié (Max Roach, surnommé « Mr Hi-Hat », fut l’un de ses mentors), le pianiste esquisse des traits d’orchestre délicatement swing et des clusters ravageurs tandis que le bassiste déroule des glissandos savoureux. À l’heure où le pays d’origine de ses membres s’enlise dans un cauchemar aux relents plus que réactionnaires, Yes ! Trio se présente comme une vraie démocratie à l’œuvre, revendiquée comme telle par un groupe qui aurait trouvé son asile politique dans le jazz.