Yoann Loustalot, Blaise Chevalier, Emile Saubole

Coup de poker ou coup de bluff, telle est la question posée quand on reçoit un pareil album avant écoute : Quoi ? Un trio nu d’un jeune trompettiste français, sans piano, donc sans véritable soubassement harmonique ? Ça ne manque pas de culot… Mais après écoute, c’est plutôt que ça ne manque pas de panache ! N’y a-t-il pas dans ce choix, cette démarche, une volonté affirmée d’en mettre plein la vue, plein les oreilles, de réaliser une performance - au sens anglais plutôt que sportif du terme- par son absence de démonstration technique ou de virtuosité gratuite ? Oui, un peu, certainement… et en même temps non, car le résultat s’écoute avec une attention qui tourne vite au plaisir.

Le souffle et le son : ce qui se distingue lorsqu’on joue d’un aérophone [1] comme ici la trompette et le bugle. Avec Yoann Loustalot, un son pur, éthéré, raffiné (se référant à celui d’Art Farmer, si l’on tient absolument à établir ce genre de comparaison) sans éraillements incontrôlés ni déraillements intempestifs, une délicatesse de timbre allant jusqu’à rendre difficile l’identification des deux instruments, une quasi-absence de vibrato, une aisance qui lui permet d’assurer tous les tempos.

Les thèmes et l’interprétation : avec sa grande richesse d’expression, et grâce aux changements/renversements d’expression, ces aller-retours énergie/douceur, ces virevoltes qui ne tombent jamais dans le numéro d’acrobatie, ces phrases sinueuses aux détours multiples, Loustalot, aidé en cela par ses partenaires-catalyseurs, crée ici une œuvre tout à fait originale, inédite. Il se dégage des ces neuf plages une vivifiante liberté, une sorte de « new free » qui donne un sacré coup de vieux à celui qu’on nous ressasse trop souvent. Un vrai courant d’air frais. Un trompettiste-bugliste d’aujourd’hui dont on continuera à suivre la carrière avec attention, curiosité et sympathie.