Chronique

Q

Q

Julien Desprez (g), Fanny Lasfargues (b), Sylvain Darrifourcq (dms), Robin Fincker (ts, 3)

Label / Distribution : Rude Awakening

Lauréat de la tournée Jazz Migration 2010 avec Sidony Box et Metal-O-Phone qui ont été très remarqués ces derniers mois, le trio Q, nouveau venu sur le label montpelliérain Rude Awakening, explore la même veine électrique en réussissant cependant à ouvrir de nouveaux champs d’expérimentation qui en font une des plus enthousiasmantes découvertes du moment.

Grâce au batteur Sylvain Darrifourcq, également membre du quartet d’Emile Parisien, du guitariste Julien Desprez, qu’on peut voir au côté de Jeanne Added, et de la bassiste Fanny Lasfargues, Q développe une musique qui emprunte certes au métal cher à Rude Awakening mais ne craint pas non plus les longues plages minimalistes. Dans ces moments d’apparent calme, chacun semble chercher la rage à venir dans l’économie de ses notes. Cette frugalité masque à peine un chaos électrique entretenu par un larsen sous-jacent qui sculpte le silence. Et dans ce calme vacillant, une débauche d’énergie fomente le chaos. Une méticuleuse volonté de faire interagir l’amplification de leurs instruments avec divers objets pour obtenir de lentes évolutions de textures [1] confère à ce dépouillement des tensions aussi vives que les soudaines virulences du guitariste. L’entente entre Desprez, très en pointe ces derniers temps [2] et Lasfargues (qu’on a aussi pu entendre avec Alexandra Grimal) n’est pas nouvelle. Une connivence s’était déjà créée au sein du quartet Rétroviseur (Jazz Migration 2009) ; elle est la ligne de force de ce trio. Le guitariste peut sembler très en avant, mais c’est bien la basse, maîtresse de toutes les textures, qui introduit les ambiances et les directions à prendre.

Sous forme de trois suites composées par Julien Desprez, Q explore les liens complexes entre le silence et les déchirures électriques. La musique s’instille entre la pâleur apparente de quelques effleurements de cordes qui succèdent à des crissements de cymbales (la « Part 2 » de « No Coffee, No Speak ») et la blancheur urgente d’un riff de guitare qui annonce un groove fébrile et chancelant (la « Part 1 » de « Coiffeur ») qui souvent s’imbriquent pour construire un propos cohérent et profond.

On perçoit dans les intentions du trio une parenté avec un Terje Rypdal, surtout sur la « Part 3 » de « Plante » où le saxophoniste Robin Fincker apparaît en invité. Mais les longues plages monochromes du Scandinave deviennent ici des lumières crues griffées de violents éclairs qu’ils convient plutôt d’aller chercher dans les friches urbaines du minimalisme électronique d’Autechre et surtout de Squarepusher, qui ont certainement influencé la basse de Fanny Lasfargues. Belle démonstration de vigueur et d’inventivité de la part de cette jeune scène française.

par Franpi Barriaux // Publié le 4 juillet 2011

[1Voir la vidéo d’une prestation de Q durant la tournée Jazz Migration.

[2Co-fondateur du collectif Coax et de DDJ, il a participé à plusieurs disques du label Carton.