Dossier

Suisse - Confédération Helvétique du Jazz

Parmi les grandes nations européennes du jazz, la Suisse est parmi les plus productives et les plus diverses. Quatre langues et bien plus de langages. Un tour d’horizon par delà les montagnes.


La Suisse bénéficie à la fois de l’influence de la France, de l’Allemagne et de l’Italie, avec qui la Confédération partage toutes les langues. Côté francophone, de nombreux noms prestigieux rayonnent dans toute l’Europe : Daniel Humair, Samuel Blaser, Lucien Dubuis, Basile Rosselet, Colin Valon, Marie Kruttli, Sylvie Courvoisier, Yves Theiler, Julie Campiche et bien sur Pierre Favre. Si la communauté italophone est la moins connue et la moins nombreuse, c’est bien la partie germanophone qui est la plus représenté et souvent la plus aventureuse : Irène Schweizer, Christian Weber, Susanne Abbuehl, Christoph Erb, Christoph Irniger, Luzia von Wyl, Manuel Mengis, Daniel Studer, Lucas Niggli, Julian Sartorius, Omri Ziegel, Tommy Meier, Hans Hassler, George Gruntz et évidemment Andreas Schaerer.
Ce mélange des cultures et des influences a prodigué au jazz suisse une histoire riche et très particulière, que nous vous présentons ici.
Vous pouvez aussi consulter le site swissmusic.ch, annuaire et ressource de la musique suisse, dont le jazz, qui propose également des titres en écoute.

Confédération Helvétique du Jazz

On peut être un « petit » pays d’à peine plus de 8 millions d’habitants et peser lourd dans le paysage du jazz. La Suisse détient une place à part. Terre de festivals et d’accueil des artistes (notamment anglo-saxons), villes dotées de conservatoires renommés et de jumelages cruciaux, abondance de labels qui jouissent d’un mécénat public et privé conséquent, la Confédération Helvétique est un vivier de talents et de création important. Géographiquement aux portes de l’Europe Centrale, elle jouit dans le continent du jazz d’une centralité certaine : entourée de l’Allemagne, de la France, de l’Italie et de l’Autriche, elle agrège les avant-gardes et les traditions alentours sans exclusive. Il en résulte une identité forte qui nourrit une scène vigoureuse et en perpétuel renouvellement. Petit tour d’horizon sans volonté encyclopédique de la vivacité d’un État qui a inscrit l’apprentissage musical dans sa constitution.

ENTRETIENS

Marie Krüttli en toute transparence

La pianiste suisse évoque son disque en solo et le processus de création.

Pour un.e pianiste, le disque en solo est souvent une étape. Incontournable, niée, recherchée, cette étape est toujours sur le chemin. Marie Krüttli vient d’enregistrer le sien, Transparence (Intakt Records), et explique comment s’est déroulée cette étape du solo de piano. La pianiste trentenaire fait preuve d’une technique pianistique impressionnante, utilisant toute l’étendue du clavier et tous les moyens possibles pour faire sonner le piano comme un orchestre. Ce solo s’écoute dans une longue immersion, en plongée, et évoque de nombreuses images. Le disque est pour la pianiste le reflet de ce qu’elle est, de ce qu’elle ressent. A travers quelques questions elle parle improvisation, matière sonore, égo, humilité et précarité.

Nik Bärtsch pense avec le corps

« Entendre » : le pianiste suisse Nik Bärtsch s’exprime à propos de son nouvel album solo.

Le cerveau des groupes zurichois Ronin et Mobile est le compositeur, pianiste et claviériste Nik Bärtsch qui a, dès le départ, numéroté toutes ses compositions avec le concept mathématique des « modules ». Je me souviens très bien de notre premier entretien, il y a 15 ans. L’homme en noir - au crâne rasé tel un jeune moine zen - vient me chercher et nous traversons au pas de course l’immense hall de la gare centrale de Zurich. Il m’apparaît que Nik marche incroyablement vite, je peux à peine le suivre. Nous arrivons bientôt dans la vieille maison où il vit avec sa femme et leur fille, deux pianos à queue noirs et ses claviers. Depuis de nombreuses années, Nik Bärtsch, à la silhouette ascétique, pratique l’aïkido, un art martial japonais. Lorsqu’il « entraîne » littéralement les motifs complexes de ses nouveaux morceaux, il suit l’enseignement de l’aïkido : « Il faut penser avec le corps ». Aujourd’hui en 2021, nous parlons de son album solo « Entendre », qui reçoit actuellement de nombreuses critiques élogieuses au niveau international.

Julie Campiche, la conscience du son

Rencontre avec Julie Campiche, harpiste suisse engagée

Dans le monde assez restreint (quoiqu’en perpétuelle expansion) de la harpe jazz, Julie Campiche a toujours eu une place spéciale. Créative, à l’origine avec ses compagnons d’Orioxy d’un univers très onirique et coloré, son premier groupe qui l’a fait connaître, la jeune Suissesse a toujours fait preuve d’une originalité et d’une ouverture d’esprit qui marquent le parcours des inclassables.

Laura Schuler, métamorphose et double voix

Laura Schuler, jeune violoniste et chanteuse suisse, s’impose sur la scène européenne

Découvrir de nouveaux talents et de nouveaux noms dans le jazz et la musique improvisée est un plaisir permanent. Quand il s’agit de jeunes Suisses, et notamment de musiciennes, la chose est presque évidente, tant la scène est pétulante. Parmi ces nouvelles têtes, voici quelques années que pointe la tête de la violoniste Laura Schuler.
On l’avait entendu avec Esche, mais aussi dans un solo qui montrait de grandes dispositions. Avec son nouveau quartet, où l’on retrouve le claviériste Hans-Peter Pfammatter, le batteur Lionel Friedli ou le saxophoniste Philipp Gropper l’accompagnent dans une passionnante métamorphose. Avec ce disque sombre et très poétique, à l’image également de son double plus poétique Kate Birch, Laura Schuler se révèle incontournable. L’occasion d’entrouvrir la porte de son univers.

Samuel Blaser et le fétichisme des sons

Samuel Blaser s’exprime au sujet du récent album multimédia : 18 monologues élastiques

Le « fétichisme des sons » dans un espace autrefois mité par la Stasi.
Quand les difficultés à sortir cet enregistrement de 2013 ont permis des développements successifs, originaux. Avec les encouragements de Daniel Humair.

Marie Kruttli, une pianiste sans concession

Rencontre avec la pianiste suisse Marie Kruttli

Après des études classiques, Marie Kruttli découvre le jazz, « musique qui résonne en elle et fait vibrer son corps et son âme » comme elle aime à le répéter. Elle a étudié successivement avec les pianistes Emil Spanyi et Hans Feigenwinter.
C’est en 2016 qu’un disque parvient à la rédaction et que nous découvrons la musicienne prometteuse. Aujourd’hui, à l’orée de ses 30 ans, elle mène de front plusieurs projets dont son trio, actif depuis 2015 et le groupe Clair Obscur qui vient de sortir un magnifique album chez QFTF. Elle collabore également avec le Gros Cube du saxophoniste Alban Darche.

Samuel Blaser

Un incontournable européen

Samuel Blaser est un phénomène. Arrivé très jeune sur le devant de la scène, on l’a vite entendu avec de nombreux Américains, comme Paul Motian ou Russ Lossing. C’est pourtant avec Pierre Favre, dans un duo remarqué batterie/trombone, que le jeune Suisse a été repéré. Grand technicien de l’instrument où il brille par sa justesse et son timbre, il multiplie les projets référentiels au jazz américain tout en gardant comme boussole la musique écrite occidentale « classique » avec un penchant baroque cher à tout tromboniste. Avec Early in the Mornin’, son dernier disque en quartet où l’on retrouve Gerry Hemingway à la batterie, il revisite le blues en lui offrant de nombreuses perspectives et chemins de traverses. Rencontre avec un incontournable du jazz européen.

Luzia von Wyl

Rencontre avec Luzia von Wyl, pianiste et compositrice suisse

Luzia von Wyl est à nom à marquer au plus vite dans un coin de sa tête. Jeune Suissesse surdouée, elle impressionne tout autant au piano qu’à la direction d’orchestre où elle fait preuve d’une grande maturité. On l’avait découverte il y a quelques mois avec Frost, un premier album plein de promesses qui avait séduit le prestigieux label HatHut. C’est également une compositrice qu’on s’arrache et dont le style se reconnaît instantanément. C’est à l’occasion de Red, un travail avec le quatuor IXI et Melanoia, paru sur le label Budapest Music Center (ELU) que nous avons voulu en savoir plus sur celle qui sera, à n’en pas douter, l’une des artistes européennes incontournables de ces prochaines années.

Andreas Schaerer

Andreas Schaerer revient avec The Big Wig, projet orchestral réunissant Hildegard Lernt Fliegen & le Lucerne Festival Academy Orchestra

Le phénomène Andreas Schaerer ne faiblit pas. Depuis cinq ans, il revient régulièrement avec un disque qui embrasse toutes ses passions : le chant, le rythme, les performances scéniques, la narration... et depuis quelque temps, la dimension orchestrale écrite. Cela avait commencé avec Perpetual Delirium en compagnie de l’Arte Quartett ; ça s’amplifie avec le Lucerne Festival Academy Orchestra pour The Big Wig, son nouvel album en compagnie de son groupe habituel, Hildegard Lernt Fliegen. Lorsque le symphonique s’invite aux côtés d’un orchestre iconoclaste, on peut craindre l’affadissement. Ici, c’est le contraire. Un étourdissement. Rencontre avec ce personnage hors norme dont l’univers en expansion n’a pas fini d’envahir l’Europe.

Daniel Humair

Rencontre sans langue de bois avec le généreux batteur

Antonio Farao était en résidence à l’Amphi (programmation jazz de l’Opéra de Lyon) du 12 au 14 janvier dernier. Le pianiste s’était plutôt bien entouré pour l’occasion, puisque qu’on a pu voir et écouter à ses côtés les contrebassistes Heiri Kaenzig, Darryl Hall, Martin Gjakonovski, pour la batterie Daniel Humair, Jean-Pierre Arnaud et Guido May, et aussi des invités tels que Didier Lockwood et David Linx. De quoi offrir trois belles soirées au public lyonnais. Le trio nous a livré pour l’occasion un set d’une heure trente, sans pause, sans un mot, intense du début à la fin.

Christoph Erb

Rencontre avec le fondateur de Veto Records

Le clarinettiste et saxophoniste Christoph Erb appartient à cette scène suisse de Zürich ou de Lucerne qui s’impose depuis plusieurs années comme l’une des plus excitantes et les plus vivaces d’Europe. Spontanément, au milieu des Blaser, Schaerer, Niggli et autres Mengis, on pourrait songer que le nom d’Erb est quelque peu en retrait. Toutefois, il anime depuis huit ans le label Veto Records qui a su fédérer de nombreux musiciens autour d’une musique exigeante et créer une forte identité. La création de la collection Exchange, née du jumelage de Lucerne et Chicago, a aussi permis de jeter de nouvelles passerelles entre cette ville et l’Europe, et de densifier ses rencontres : Michael Zerang, Jason Roebke, Fred Lonberg-Holm ou encore Tomeka Reid. Rencontre avec un musicien discret et opiniâtre, qui n’a pas fini de surprendre...

Daniel Humair

A l’invitation du label Laborie Jazz, Citizen Jazz a pu assister à quelques heures de la confection de l’album du Daniel Humair Quartet, Sweet and Sour. C’était en 2012 par une semaine glaciale, et la Fondation Laborie, tout près de Limoges, supportait vaillamment des températures sibériennes.

Lucien Dubuis

Découverte d’un saxo suisse

En recevant son disque Sumo, chez Altri Suoni, l’envie d’en savoir plus m’a pris. La maturité avec laquelle le projet était ficelé, l’humour utilisé à bon escient, l’invention, le phrasé, tout dans la musique du saxophoniste Lucien Dubuis est signe de belles promesses pour l’avenir. A l’occasion de notre rencontre, il explique son parcours et parle de la situation du jazz en Suisse.

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