Chronique

nOx.3

Nox Tape

Rémi Fox (sax, effets), Matthieu Naulleau (p, moog, effets), Nicolas Fox (dms, électronique).

Label / Distribution : Jazz Village

On épargnera aux musiciens de nOx.3 les poncifs sur l’appartenance de leur trio à un courant du jazz qui serait taxé d’actuel, au prétexte que ceux-ci n’hésitent pas à recourir assez largement à l’électronique dans le déploiement de leur musique. Et de toutes façons, être actuel ne signifie rien d’autre que vouloir être en prise directe avec son époque, ce qu’on ne contestera nullement à la jeunesse de Rémi Fox, Matthieu Naulleau et Nicolas Fox. Sauf que ces trois-là portent une parole dont l’effet stimulant dépasse de très loin le cadre de son instrumentation. Ils sont avant tout d’excellents scénaristes, capables de raconter des histoires musicales du genre haletant.

Rémi Fox, diplômé du CNSMDP (Département Jazz et Musiques Improvisées et Département d’Improvisation Générative) est l’initiateur de nOx.3 ainsi que le co-fondateur du collectif Loo au sein duquel il a pu développer différents projets marqués par l’improvisation, les musiques électroniques et une prédilection pour la mélodie. Cette dernière étant souvent le prétexte à de joyeuses pérégrinations, plus ou moins improvisées, mais toujours empreintes d’une volonté d’aller voir ailleurs, là où il resterait un petit bout de terrain à défricher. On a pu retrouver par ailleurs le saxophoniste dans plusieurs formations, comme pAn-G ou le Léa Castro Quintet, mais aussi aux côtés de Riccardo Del Fra ou au sein du quatuor de saxophones Saxitude.

Après un premier EP sorti en 2014, nOx.3 s’est fait remarquer il y a peu de temps avec l’album Waï Nox publié au mois de septembre 2015 sur le label du Collectif Loo. Et voici que le trio dégaine, presque dans la foulée et la continuité de son prédécesseur, Nox Tape, cette fois chez Jazz Village. On sent décidément chez ces musiciens comme un appétit insatiable de créer, assorti du besoin de bousculer les codes en vigueur. Un peu comme dans un joyeux jeu de bowling sonore… Ici, on n’abuse pas vraiment de la combinaison thème – chorus – thème, on affiche plutôt la volonté ludique d’explorer des espaces moins usuels, au service de laquelle les frères Fox et Matthieu Naulleau mettent tout leur talent de « metteurs en son ». Il faut écouter Nox Tape avec la plus grande attention et savourer le moindre petit détail qui prend alors des allures d’enluminure, au savant dosage électro-acoustique. Mais la principale force du trio est peut-être de ne jamais laisser deviner ce qui va advenir : la surprise harmonique guette au coin de chaque mesure, les ruptures rythmiques sont multiples ; chaque petit « bout de mélodie » fait l’objet d’une première esquisse avant d’être disséqué, répété pour dessiner des motifs sériels aux effets persistants. Il faut se laisser faire. Le piano hypnotique de Matthieu Naulleau se présente dans des états sonores multiples, entre emphase et étouffement, cordes et touches à la fête sans distinction de classe ; Rémi Fox vole d’un saxophone – soprano, alto, baryton – à l’autre, on devine même qu’il peut lui arriver d’en avoir deux en bouche en même temps, il sait leur arracher cris et chuchotements ; pendant ce temps-là, son frère Nicolas, gagné par une fièvre arythmique, porte sa batterie à ébullition et déjoue çà et là un beat aux accents « disco ». Mais un « disco » qui serait chamboulé par l’imagination d’un trio en verve et assurément pas à court d’idées. nOx.3, c’est une sorte de laboratoire dont les chercheurs n’hésiteraient pas à tomber la blouse pour danser sur leurs paillasses, histoire de rappeler qu’ils sont avant tout des êtres humains.

Il s’est écoulé moins d’un an entre la publication de Waï Nox et celle de Nox Tape. On est donc en droit de se poser une question : Rémi Fox, Matthieu Naulleau et Nicolas Fox sauront-ils nous surprendre une fois encore dans un délai aussi bref ? Tout porte à croire que la réponse sera positive et que cet attachant trio de trublions va nous réserver très vite d’autres belles embardées. Affaire à suivre…