Chronique

Aldo Romano

Mélodies en noir et blanc

Aldo Romano (dms, voc), Dino Rubino (p, kb), Michel Benita (b).

Label / Distribution : Le Triton

Le nouveau disque d’Aldo Romano s’intitule Mélodies en noir et blanc et tout comme Liberi Sumus !, son prédécesseur improvisé aux côtés d’Henri Texier et Vincent Lê Quang, il voit le jour sur le label du Triton. La pochette montre son visage de face et de profil, comme s’il s’agissait de s’exposer au mieux. Et c’est bien le cas. Car voilà un album composé pour l’essentiel de reprises de ses propres thèmes, que le batteur choisit de revisiter dans le cadre intime d’un trio avec le « jeune » pianiste Dino Rubino (il n’a que 37 ans), dont le jeu tout en sensibilité offre un parfait contrepoint à son drumming retenu, ainsi qu’avec un compagnon de très longue date, Michel Benita à la contrebasse (souvenons-nous par exemple de l’excellent Palatino dans les années 90, avec Paolo Fresu et Glenn Ferris).

Rien de nouveau donc pour ce qui concerne le répertoire lui-même mais un phénomène persistant, celui de cet art de la mélodie qui est devenu une marque de fabrique chez Aldo Romano durant le demi-siècle écoulé à travers des expériences multiples qui ont fait de lui un personnage clé de l’histoire du jazz en Europe, et en France tout particulièrement. Mélodies en noir et blanc s’écoute dans l’apaisement. Laissez-vous porter par « Dreams and Waters » pour comprendre ce phénomène - ou encore par le groove aérien de « Webb », dédié au batteur Chick Webb, mort dans la fleur de l’âge à la fin des années 30. Aldo Romano, loin d’être un cogneur, fait plutôt partie des batteurs de la suggestion. Il n’a plus rien à prouver mais conserve un désir de vibration qui affleure dans chacune des notes jouées par un trio d’une infinie délicatesse. C’est vrai une fois de plus avec ce chapitre supplémentaire d’une histoire qui lui ressemble énormément et permet de comprendre que sa musique est un chant se voulant universel.

Et puisqu’il est question de chant, il faut dire enfin quelques mots de la conclusion de Mélodies en noir et blanc, disque réflexif s’il en est. 42 ans après la version originale, Aldo Romano reprend à son compte « Il voyage en solitaire », la chanson de Gérard Manset qui restera sans nul doute le plus grand succès commercial de celui qui s’est par ailleurs toujours refusé à se produire sur scène. Chez Aldo Romano, on peut certes préférer le batteur au chanteur. Pourtant, alors que l’exercice s’avérait risqué (n’est pas Alain Bashung qui veut), le résultat est plus que convaincant. Accompagné des seuls claviers de Dino Rubino, Romano joue la carte de l’épure et c’est presque à bout de souffle qu’il offre un final vespéral à son nouvel album. Il nous confiera au sujet de cette interprétation périlleuse : « Croyez bien que j’ai hésité. Mais l’envie fut plus forte que la peur ». Dont acte. On pourra donc sans hésiter faire ce voyage avec lui.