Chronique

Bex Catherine Romano

La belle vie

Emmanuel Bex (orgue Hammond), Philip Catherine (g), Aldo Romano (dms).

Après Lady Quartet de Rhoda Scott, dont We Free Queens fut le premier enregistrement après de longues années d’existence, le label Sunset Records a semble-t-il décidé de récidiver avec La belle vie, signé Bex Catherine Romano. Ces trois-là se connaissent bien en effet, puisque le trio est né dans les années 90, au Sunset évidemment. Et les voici qui montent une fois encore sur scène, mais cette fois avec l’idée d’en conserver une trace.

La belle vie, donc, et un titre qui résonne un peu comme un bilan après tant d’années à se frotter au jazz. Voilà un disque bien nommé tant la musique, née d’une combinaison orgue - guitare - batterie, est marquée par un sentiment d’apaisement et une sensibilité mélodique partagée dans une même mesure par les trois musiciens. Au programme de cet enregistrement, des compositions apportées par chacun et autant de tranches de vie ou d’évocations personnelles. Pour l’exemple : Emmanuel Bex rend hommage à Maurice Cullaz avec « La belle vie pour Maurice » ou cherche l’évasion et les espaces (« Dans la forêt ») ; Aldo Romano célèbre Elsa Morante (« Elsa M ») et Gabriele d’Annunzio (par une nouvelle version de son « Il Piacere » connu de longue date) ; Philip Catherine se souvient de ses enseignants au Berklee College of Music (« Twice A Week ») ou s’adresse à sa mère (« Letter To My Mother »).

La belle vie est une ballade tout au long de laquelle on suit trois musiciens qui non seulement se connaissent bien mais n’ont finalement plus rien à prouver, à l’exception de leur passion pour la mélodie finement ourlée et d’un amour pour les nuances sonores. Ici, il semble que tout soit question de délicatesse, de notes étales, d’arpèges soyeux ou de frappes légères. Et surtout d’un appétit commun pour un groove tranquille, ce swing décontracté, dont le drumming de Romano est un peu le symbole, ce tempo ralenti qui fait qu’on s’abandonne tranquillement à la succession des thèmes proposés.

D’aucuns pourraient reprocher au trio un trop-plein de douceur ou, en d’autres termes, un manque de relief et de surprise. Mais ce n’est pas le sujet du jour ; on se laissera étonner une autre fois : Emmanuel Bex, Philip Catherine et Aldo Romano sont juste venus, sans se poser d’autre question que celle de leur chant, dérouler le tapis amoureux d’une « petite musique » qu’ils connaissent par cœur. Pour le plaisir : le leur, c’est certain ; le nôtre, c’est très probable.