Chronique

Camille Bertault

En vie

Camille Bertault (voc), Olivier Hutman (p), Gildas Boclé (b), Antoine Paganotti (dms).

Label / Distribution : SunnySide Records

Camille Bertault est une chanteuse connectée. Ou une artiste 2.0, voire plus. C’est comme on voudra. En témoigne la façon dont elle s’est fait connaître à travers les réseaux sociaux, sur lesquels elle a posté de nombreuses vidéos mettant en évidence son talent de vocaliste et sa capacité à s’approprier les solos de grands musiciens de jazz. Le plus emblématique d’entre eux étant peut-être « Giant Steps » de John Coltrane. On devine donc que par un phénomène de capillarité propre à des supports de communication tels que Facebook ou Twitter, ces séquences très ludiques ont voyagé vite et loin, au point qu’elles ont pu être partagées par des musiciens de renom, comme Roy Hargrove par exemple. Et que la jeune femme a commencé à faire beaucoup parler d’elle jusqu’au jour où le label New Yorkais Sunnyside a décidé de distribuer le disque qu’elle avait autoproduit et enregistré avec Olivier Hutman (piano), Gildas Boclé (contrebasse) et Antoine Paganotti (batterie). C’était là une manière de matérialiser, pour ne pas dire donner vie à ce qui jusque-là n’était qu’un chemin virtuel.

En Vie : on ne saurait trouver meilleur titre pour un disque marqué par une joie de vivre qui séduit dès les premières minutes. Qu’elle pose des paroles sur des thèmes aujourd’hui historiques (« Empty Pockets » d’Herbie Hancock, « Infant Eyes » de Wayne Shorter ou « Prelude To A Kiss » de Duke Ellington), qu’elle concocte elle-même des compositions aux titres facétieux et aux paroles taquines (« À la mer Tume », « Tatie Cardy », « Satiesque ») ou qu’elle laisse s’exprimer sa seule voix sans le recours aux mots (« Course », « En Vie »), Camille Bertault – sourire radieux aux lèvres et regard malicieux - semble voler au-dessus de sa musique. Son petit monde aérien, parfaitement mis en lumière par un trio mélodique et fluide, est empreint d’une légèreté qui lui confère une forme d’innocence. Pas celle des naïfs, mais plutôt celle qui appartient au monde de l’enfance et à sa manière poétique de considérer le monde et l’amour les yeux grands ouverts en s’attardant sur leurs beautés. Mais cette légèreté, on l’a compris, doit aussi beaucoup à l’humour et à une manière très joueuse de faire danser les mots guettant au coin des phrases de Camille Bertault. Et toutes paroles mises à part, on est charmé par la façon dont la chanteuse est capable de maîtriser le temps. Elle peut l’étirer en ballades éthérées (comme sur « Infant Eyes » ou « Prélude » par exemple) ou l’accélérer avec beaucoup d’autorité en entraînant avec elle ses trois camarades vers de belles échappées (« Quoi de plus anodin », « Course », « En Vie », « Cette nuit », « Double Face », « Tatie Cardy »). Son scat parfaitement maîtrisé démontre un sens du placement que beaucoup d’anciens pourraient lui envier.

En Vie est un disque qui donne… envie de faire un petit bout de chemin vers une oasis de fraîcheur aux côtés de Camille Bertault. On l’accompagnera volontiers sur sa route enchantée, où nul ne s’étonnera de croiser, au détour d’un sentier, l’esprit d’une Mimi Perrin (impossible d’imaginer que les Double Six ne figurent pas au panthéon de la chanteuse) ou encore du maître Bobby McFerrin. Les voyages formant la jeunesse, celui-ci est vivement recommandé !