Chronique

Cernunos

Métissé

Louis-Marie Seveno : vl 5 cordes, Jean-Luc Chevalier : g, oud et bouzouki, Hiar Rasoanaïvo : perc, Emeric Chevalier : b

Welcome Records a fait irruption dans le paysage musical français en proposant à l’automne 2007 Hamtaï !, un double CD réalisé en hommage à la musique de Christian Vander pour lequel 26 artistes ou groupes avaient offert leur reprise d’un thème du répertoire de Magma ou d’Offering. Parmi eux se trouvaient déjà les musiciens de Cernunos : rien d’étonnant à cela dans la mesure où le guitariste du groupe n’est autre que Jean-Luc Chevalier qui fut durant la sedonde moitié des années 70 membre de la horde des Kobaïens [1].

La contribution de Cernunos à Hamtaï ! consistait en une version world de « Rétrovision », qui perdait au passage sa coloration militante et ses exhortations vandériennes pour se parer de teintes beaucoup plus chaleureuses et ensoleillées qui sont la marque de fabrique de ce quatuor attachant. Il faut aussi rappeler qu’en ce qui concerne la dimension géographique et les influences à rechercher de par le monde, Cernunos sait aussi regarder à l’ouest si l’on se souvient que Louis-Marie Séveno et Jean-Luc Chevalier, les deux co-fondateurs du groupe, sont apparentés aux bretons de Tri Yann, groupe historique : le premier en fut membre, le second l’est toujours !

Ceux qui ont goûté au charme méditerranéen de « Rétrovision » ne seront ni surpris ni déçus par ce nouvel album qui s’inscrit dans la plus parfaite continuité de ce qu’ils ont pu écouter l’année dernière. Du beau travail, mis en valeur par une interprétation sans faille sur laquelle virevoltent avec une évidente joie de jouer les cordes du violon très disert de Séveno et celles, envoûtantes, de Chevalier, que celui-ci s’exprime à la guitare, à l’oud ou au bouzouki.

S’il fallait situer la musique de Cernunos, on pourrait y voir une héritière directe du John McLaughlin des années 80 et 90, notamment lorsqu’il se produisait en trio avec Trilok Gurtu et Dominique Di Piazza après avoir inclus dans son propos l’universalité de Shakti. Elle est aussi à rapprocher du monde sans frontière et virtuose du contrebassiste Renaud Garcia-Fons et ses pérégrinations orientalo-hispanisantes, telles qu’on peut les écouter sur un disque comme Arcoluz.

Au final, Métissé [2] est un disque du bien-être : celui de la fraternité, de la vision d’un monde vu comme un tout où la musique est facteur de rapprochement entre les cultures. C’est bien là la définition la plus positive d’une world music qui se construit à partir de compositions originales (comme le très beau « Rabat » signé Jean-Luc Chevalier), de musiques traditionnelles ou de reprises de thèmes plus contemporains (« The Joker » de Bojan Z, « Looking Up » de Michel Petrucciani ou « Astrakan Café » d’Anouar Brahem).

par Denis Desassis // Publié le 12 janvier 2009

[1On peut d’ailleurs le retrouver sur Bourges 1979, récente publication d’un concert de Magma sur Seventh Records.

[2Welcome Records - WR0801.