Chaman Chômeur

Le Chaman Chômeur est un être étrange, d’apparence oisive mais en réalité suractif. Las de faire la queue en quête d’un emploi dans les halls du pôle, il s’est mis à tourner, c’est une activité comme une autre, sans code Rome néanmoins. Tourner sur lui-même avant tout, tel les derviches qui s’étourdissent. Le déclencheur de la transe, ici, c’est la basse épaisse de Thomas Coquelet, un des fondateurs du label BeCoq. On a déjà pu l’entendre sur quelques-uns des disques de sa boutique, toujours les plus rock, les plus nerveux ou les plus électriques, à l’instar d’Eliogabal. C’est la puissance râblée de ses cordes qui donne la cadence à un trio fortement marqué par un rock étouffant. La guitare de Léo Rathier, également membre de Meurs ! Apolune, autre groupe du label, implose à plusieurs reprises au milieu de boucles qui agissent telles une galerie de miroirs déformants, martelés par la batterie de Marc-Antoine Moercant. La guitare est vindicative, la frappe lourde. Entre deux rendez-vous avec son conseiller référent, le chaman martèle du rock dans son garage.

Le rythme grossit soudainement, se calme, repart de plus belle sans qu’il semble y avoir une régularité. Le chaman est erratique : même lorsqu’il paraît tourner en rond sur les tambours (« Chômagique »), il reste carré, anguleux, contondant. Les pouvoirs du Chaman, bien que privé d’emploi, sont grands… Est-ce un Hippie Diktat ? Les trois complices tentent de le contenir, mais il s’étend ici sur de longue plages pesantes, où tout se développe lentement, comme cette inénarrable « Nostalgie du RMI », plus trépidante qu’une rédaction de contrat d’insertion, mais à peine moins lancinante.

Évoquons le CV justement : Power Trio nordiste, capacité en bruitisme validée par les acquis de l’expérience, aptitude reconnue dans le maniement des matières inflammables, assiduité à la tâche. Expertise en sculpture électrique et improvisation lue, écrite, parlée. Disponible immédiatement, faire offre.