Chronique

Didier Petit / Claudia Solal / Philippe Foch

Les voyageurs de l’Espace

Didier Petit (cello), Claudia Solal (voc), Philippe Foch (perc)

Label / Distribution : Buda Musique

On avait laissé Didier Petit sur les routes de Bourgogne, pas très loin des belles pentes de Vézelay, en compagnie de Lucia Recio et d’Edward Perraud. Dans un contexte orchestral similaire, c’est un chemin différent qu’il aborde avec Claudia Solal et le percussionniste Philippe Foch, membre fondateur des Amants de Juliette avec Benoît Delbecq et Serge Adam et créateur sonore régulier pour France Musique. La boîte est identique pourtant, jolie, avec livret exhaustif et de belles iconographies, mais les artisans ruraux sont loin. Disons quelques centaines années-lumières, si l’on écoute « XOXO », la chanson contemplative créée par Karine Serres que Claudia Solal habite avec cette douceur qui ne lui appartient qu’à elle seule. On ne sera pas étonné d’apprendre que Les Voyageurs de l’Espace évoluent au dessus des nues ; entre dérive dans des pluies rythmiques de météorites et mise en orbite au gré des révolutions de l’archet sur les cordes du violoncelle, l’Univers est le terrain de jeu du trio.

Cette œuvre est le fruit d’une résidence de Didier Petit auprès du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales), et continue sur la lancée du disque-reportage entamé avec Anthropiques. Il est ici question d’infiniment grand, mais avec Didier Petit, l’individu n’est jamais loin. Avec « Son de la Lune », il pose la problématique avec beaucoup d’empathie : « L’espace est en nous, et la vie y est douce ». Le violoncelle fouille, improvise quelques bribes de dialogues stellaires où la voix est une onde attractive (« Moteur »). Les improvisateurs apportent une lecture de la carte des cieux qui se complète et mettent en perspective les chansons. « Sursaut de l’ange » est ainsi un cri strident qui fait songer aux complaintes ultrasoniques des astres avant que les explorateurs déambulent dans le « Dessin dans le ciel » cher à Reggiani. Plus loin, dans « Philae » écrit par la dramaturge Mariette Navarro, les tintements obsessionnels de Foch évoquent quelque sonar complexe, quelque fil ténu qui témoigne de la parcelle de vivant dans l’infini.

Ce travail mené par Les Voyageurs de l’Espace est une traversée au long cours. Elle se traduit par la sensation de continuum où chacun des textes - qu’il soient chantés, psalmodiés ou teintés de sprechgesang - semble être imbriqué subtilement aux autres comme la course des planètes, liées ensemble par des forces invisibles. Pour réaliser ce disque que l’on pourrait qualifier de concept, ce sont sept écrivains qui ont proposé des textes dont l’espace est le sujet. Il y a ceux qui permettent au trio de faire vibrer leur goût pour le rythme, tel ce « Passager Clandestin » de Charles Pennequin, et d’autres qui décrivent l’espace dans ce qu’il peut avoir de plus hostile, comme ce magnifique « Martine » de Sabine Marcher, sans nul doute le sommet de cette rencontre. On vole en apesanteur dans toute cette poésie ; comme toujours, les albums de Didier Petit organisent des jeux de piste  : dans Don’t Explain, il racontait « j’ai débuté le violoncelle et Armstrong a mis les premiers pas sur la Lune. J’avais sept ans et je connaissais bien cet Armstrong car il y avait ses disques à la maison ». Les Voyageurs de l’Espace se termine sur une interprétation lunaire de « What A Wonderful World ». Lumineux, à plus d’un titre.