Chronique

Émile Parisien - Roberto Negro

Les Métanuits

Émile Parisien (ss), Roberto Negro (p).

Label / Distribution : ACT

Faut-il connaître sur le bout des doigts le premier quatuor à cordes de György Ligeti, sous-titré « Métamorphoses nocturnes », pour savourer le plaisir de sa réappropriation par ces deux explorateurs que sont Émile Parisien et Roberto Negro ? Peut-être… ou pas ! On connaît l’intensité et la tension rythmique qui règnent tout au long de cette œuvre composée en 1953, alors que Ligeti était encore sous l’influence de Béla Bartók ; on sait également que le saxophoniste et le pianiste, amis de longue date, n’aiment rien tant que de plonger à corps perdu dans des expériences où la rigueur de l’écriture et la virtuosité de l’interprétation sont portées par un désir fort de franchir les barrières stylistiques et d’aller au-delà d’une simple relecture.

L’intensité. Tel est bien le mot qui définit au plus près la relation des deux protagonistes, non seulement avec la musique jouée, mais également entre eux, et qui transparaît dans cette nouvelle collaboration. D’emblée, on plonge avec eux au cœur de cette nuit si magnétique qu’elle semble traversée de lumière. On devine leur engagement physique, le mouvement des corps et les regards qui se croisent. L’écoute de l’autre est poussée à son plus haut niveau, comme dans une déclaration d’amour fraternelle et charnelle. Et si la composition originelle est savante autant que complexe, les nouvelles couleurs lyriques dont ils savent la parer la rendent immédiatement accessible et proche. Le saxophoniste et le pianiste ont su l’apprivoiser, la dénuder et en extraire la force intérieure, avec la même aisance dans les passages lents que dans les fulgurances de leurs accélérations. On retrouve ici leur science du scénario et du rebondissement.

Ces quarante minutes de musique, décomposées en onze mouvements brefs et sous tension, s’écoutent dans un seul souffle. Il n’est pas une seconde qui ne naisse d’une nécessité profonde et qui ne soit le fruit d’une complicité de nature gémellaire entre les deux musiciens. Les Métanuits sont un parfait exemple de ce que peut être une « re-création ». Émile Parisien et Roberto Negro ont cette capacité, rare, de faire leur et de transfigurer une œuvre pourtant déjà inscrite dans l’histoire de la musique depuis des décennies. Chapeau bas !