Chronique

Giovanni Mirabassi

Adelante

G. Mirabassi (p) + A. E. Herrera Zaparta (voc), M. Ante Fajardo (voc), R. Tobias Gil (b), G. del Torro Varela (congas), R. Yllarza Barreto (dms).

Label / Distribution : Discograph

Pour un temps échappé du trio qu’il forme avec Gianluca Renzi et Leon Parker, Giovanni Mirabassi donne une suite naturelle à Avanti, publié voici une dizaine d’années et désormais introuvable, sauf à prix d’or peut-être. Ce disque libertaire qui célébrait des hymnes planétaires tels que « Le temps des cerises », « Imagine » ou « El Pueblo Unido Jamás Será Vencido » avait connu un vrai succès que n’aurait peut-être jamais imaginé le pianiste transalpin du temps de sa jeunesse, quand sa famille formulait pour lui des rêves où son avenir s’habillait d’une robe d’avocat. Aujourd’hui quadragénaire et plus parisien qu’italien, Mirabassi porte sur notre monde un regard fiévreux et considère son engagement politique comme relevant de sa responsabilité d’artiste.

Enregistré à Cuba au mois de mai 2001, ¡Adelante ! se présente comme un recueil feutré, plutôt méditatif, d’une nouvelle série de chants de lutte en provenance du monde entier. La France figure en bonne place dans cette célébration (« L’Internationale », « Le déserteur », « Graine d’ananar » ou « Le chant des Canuts ») qui met aussi à l’honneur l’Argentine (« Libertango »), Cuba (« Hasta Siempre », « Yo Me Quedo »), l’Espagne (« Gallo Rojo Gallo Negro ») ou bien encore le Chili (« La Carta »), l’Amérique (« The Partisan ») ou l’Allemagne (« Lili Marleen »). Le fil rouge de la sélection est bien sûr celui de la liberté et du poing levé face à l’oppression. Une définition de la révolution, tout simplement. Car le pianiste est toujours en éveil, il nous dit avec une force très intériorisée l’urgence d’un combat qui ne peut pas cesser, aujourd’hui moins que jamais : celui de la résistance.

A l’exception de trois compositions pour lesquelles il s’est entouré de musiciens cubains ou de la chanteuse Angela Elvira Herrera Zaparta (« Hasta Siempre »), Giovanni Mirabassi est seul au piano et c’est bien là qu’il exprime au mieux son idéal. Cette confrontation intime, face à l’instrument, est probablement le meilleur vecteur d’un propos militant pour l’artiste qui trouve, dans la nudité de son interprétation, toute la puissance nécessaire à la revendication de la seule exigence qui vaille : la liberté, trop souvent piétinée. En douceur, dans un environnement mélodique délicat qui jamais ne masque la force de l’inspiration, il nous interpelle et nous signifie notre devoir de citoyens. Ne jamais se résigner. En témoigne sa version de « L’Internationale », toute en retenue mais habitée d’une puissance presque romantique, celle de la lutte des opprimés. Et s’il en était besoin, Mirabassi nous rappelle aussi avec ce disque son amour pour la chanson en tant qu’art populaire.

Se présentant sous la forme d’un voyage lyrique et émouvant, ¡Adelante ! devrait convaincre bien au-delà de son propos nourricier. Il est question de politique, bien sûr, mais aussi et surtout de musique, cette langue propre à unir les peuples. La seule peut-être. Ici sa forme presque classique, mélodieuse et universelle, devrait lui valoir une reconnaissance égale à celle qui avait hissé haut les couleurs d’Avanti et qui dépasse largement le cercle du jazz. Un succès qu’on lui souhaite sincèrement.